Depuis la rentrée, la vie suit son cours. Tu as vite retrouvé tes (mauvaises) habitudes. Au milieu de ta multitude d’activités plus ou moins tolérées et appréciées par le corps professoral, il y a la pétanque. On est d’accord : ça ne vaut pas le Botteballon, mais qu’est-ce c’est chouette ! Parfois, tu trouves les règles de Beauxbâtons lunaires (franchement, aucune autre académie dans le monde ne demande d’étudier jusqu’à 25 balais), mais n’empêche qu’à l'étranger, jouer aux boules n’est pas considéré comme une activité productive. « Poudlard, meilleure école de magie », nia nia nia, quelles conneries. Meilleure école autoproclamée, oui !

Revenons à tes moutons. Aujourd’hui, c’est mardi, et le mardi, le club de pétanque se réunit. L’encadrant lance les hostilités : parties amicales, qu’il dit. Chouette, des équipes ! Tu te diriges tranquillement vers les copains, quand tu te fais soudainement attraper par le bras. Tu te demandes qui te cherche des noises et tourne ton regard effarouché vers le prof suscité, qui a décidé de pimenter les choses. En résumé : mélanger les groupes.

Ah, non, non, non ! La partie de pétanque avec les potes, c’est sacré ! Comment vas-tu vivre ta fin de journée tranquillement si tes habitudes sont perturbées ? Tu as une lune en veaudelune (ahah, une luneen veaudelune). Ce sont les étoiles qui le disent : l’inattendu, ce n’est pas pour toi ! (… Bon, même toi, tu n’y crois pas. Reprenons : l’inattendu, ce n’est que quand ça t’arrange.) T’es sur le point de soupirer bruyamment quand les astres décident de faire un joli cadeau (comme s’ils ne t’avaient pas assez doté jusqu’à présent). Bref, tu te retrouves en duo avec la crème de la crème, c’est-à-dire Poppy « l’avion de chasse » Grimsbane.

Ah, oui, oui, oui ! Travailler ses techniques, c’est sacré ! Comment pourrais-tu supporter une défaite causée par un manque d’entraînement ? C’est comme au Botteballon, hors de question de t’encrasser ! Qu’il pimente son cours comme il veut, l’encadrant, pour toi, ce sera triple dose de d’Espelette ! Il est en passe de devenir ton second prof préféré après Msieur Rosier. Tes lèvres se parent d’un sourire de crétin. Poppy est vraiment la plus sublime fille de tout le club – peut-être même de l’académie. La compétition est rude, cela dit. En face, il y a Victoire, alors tu hésites à lui octroyer le titre. Peut-être qu’un bisou – ou un truc du genre – ferait pencher la balance. À l’occasion, il faudra que tu proposes l’idée à Poppy.

En parlant du coquelicot, la jolie plante s’avance vers toi. Beauté renversante, petite robe, voix douce, parfum envoûtant, clin d’œil… Avant, t’étais conquis, maintenant, elle te subjugue. Elle se permet même de tripoter l’avant-bras et là, tu te dis que Marius a dû t’envoyer une boule à l’arrière du crâne – si le paradis ressemble à ça, tu veux bien mourir jeune, finalement.

Et, euh… ? C’est toi ou elle vient de flirter, là ? T’as l’habitude, évidemment (même si la plupart des filles privilégient des approches très subtiles, comme faire semblant de ne pas pouvoir te saquer, parce que la société est ultra-coincée). Cependant, malgré ton énorme charme, Poppy est toujours restée insensible à tes avances (ce qui est ultra-vexant quand on sait qu’à côté, elle est sortie avec Rouflaquettes). Bref, t’ignores pourquoi elle se réveille soudainement (peut-être que tu es devenu encore plus beau durant l’été, allez savoir). Peu importe le pourquoi du comment, tu ne comptes pas laisser filer ta chance.

Poppy va chercher son joli équipement de bourgeoise, alors tu l’imites. Ton set est bien moins éclatant, bien plus usé. Tes parents ne sont pas riches et le Botteballon représente déjà beaucoup de frais. Mais tu ne complexes pas : les meilleures boules ne sont ni les plus neuves, ni les plus chères, ni les plus lisses. Ah, ça non : ce sont celles qui ont permis d’humilier son adversaire.

Trêve de réflexions, tu te places en bordure de terrain aux côtés de Poppy. Tu réfléchis à une stratégie d’approche, et décide d’appliquer à la lettre les conseils d’Eliaz : ne jamais dire aux demoiselles qu’elles sont « jolies aujourd’hui », parce qu’elles sont très susceptibles et comprennent qu’elles sont moches d’habitude. (Bon, Eliaz ne l’a pas dit de cette manière. Tu crois qu’il a employé le mot « sensibles », à la place. Tu fais juste la traduction.) Bref, c’est donc avec une formulation beaucoup plus travaillée que tu passes à l’attaque – après tout, tu es un homme d’action. « Eh Poppy, tu es particulièrement jolie, aujourd’hui. Tu as fait un petit truc spécial, non ? » Et voilà le travail : un compliment sincère, pas de risque d’embrouille, ouverture créée. Tu l’accompagnes d’un sourire a-do-ra-ble.

( Pando )