(Le Yacht du Roi) La missive annonçant la célébration mondaine la plus importante de l’année avait été reçue durant les derniers jours de la saison estivale, alors que Louise séjournait toujours dans la demeure familiale. L’excitation en prévision de l’évènement était palpable. Alors, avant de partir en direction de l’académie Beauxbâtons, les femmes de la lignée Berry s’étaient dirigées vers l’élégante Avenue Montaigne. Là-bas, elles avaient retrouvé les présentoirs des boutiques magiques de luxe de la Capitale. Après de nombreuses séances d'essayage dans diverses boutiques, Louise avait finalement choisi un somptueux tissu d'un vert émeraude. La robe valait son lot de Bézants, mais cela ne représentait guère une contrainte pour une personne née au sein d'une famille aussi fortunée que les Berry. Depuis lors, la robe avait été soigneusement rangée et transportée avec précaution jusqu'au château. Au cours des semaines précédant l’inauguration du “Glorieux”, Louise avait minutieusement réfléchi à la manière d'accessoiriser sa tenue. Cette question revêtait une importance capitale, car il était primordial de faire forte impression auprès de l'élite de la société, particulièrement auprès des individus arborant des particules nobiliaires. Elle avait exploré de nouvelles incantations destinées à la coiffure magique. Finalement, son choix s'était porté sur une coiffure élégamment relevée, permettant à ses boucles de tomber délicatement en cascade le long de son dos, à partir d'une queue-de-cheval. Cette coiffure mettait en valeur ses boucles d'oreilles ornées de joyaux, plus précisément d'Opales. De plus, afin de respecter les normes de modestie applicables aux femmes de son rang, elle avait opté pour un châle léger, capable de couvrir gracieusement ses épaules. Le jour de la célébration, habillée avec discernement et souci du détail, la sorcière rejoignit sa famille au pied de l'Hermite Mage. Ensemble, ils effectuèrent le trajet jusqu'au port du Rocher, où les murmures des conversations et les tintements des verres s'élevaient depuis la foule réunie. Tous les membres de la famille Berry s'étaient rassemblés pour afficher une image unifiée, symbolisant une famille éclatante et potentiellement destinée à une élévation au titre de noblesse, du moins, c'était leur espoir. À cet égard, Victor, le patriarche, avait récemment rappelé à tous les enfants les normes et les conduites à respecter. Aucun écart de conduite ne serait toléré. Un plateau chargé de coupes de champagne passa à proximité de Louise. La jeune femme, réputée pour son appréciation de la fine cuisine liquide française, tendit la main en vue de saisir une coupe. Cependant, le regard durement expressif de Victor l'incita rapidement à reconsidérer son geste, ce qui se traduisit par un déclin poli adressé au serveur. Il semblait donc qu'elle devrait se contenter de petits fours pour la soirée, à moins qu'une âme charitable ne l'éloigne temporairement de l'emprise de sa famille. Elle espérait néanmoins qu’aucun œil mal intentionné n’avait remarqué son geste. Il ne serait pas bon d’être l’objet de commérages, aussi futiles et inintéressants soient-ils.

( Pando )

Recap:

Récapitulatif:

(Le Yacht du Roi) Quelle atmosphère pesante régnait en cette fin de mois de septembre ! Assurément, tel aurait pu être le constat que l'on aurait pu faire en observant le visage gracieux de Louise, ne serait-ce qu'un instant, à la suite de la réprimande paternelle concernant sa consommation d'alcool. Le carmin envahit promptement ses joues, signe de son embarras, bien plus que de son état d'ébriété, à son grand dam. Heureusement pour elle, son preux chevalier - sans monture blanche, louons le ciel car cela aurait été peu pratique dans cette foule - lui vint en aide. « Eliaz ! » Cependant, après un tel compliment, le rouge ne se dissiperait pas de sitôt sur ses joues. « Je te remercie. Tu n’es pas mal non plus. » répondit-elle, poursuivant ainsi la session d’empowerment. De son côté, Eliaz avait déjà trouvé le moyen de les éloigner. Si ce n’était pas pour lui déplaire, ses parents ne partageaient certainement pas le même avis à ce sujet. En particulier Victor. Celui-ci arborait déjà un sourcil de répugnance face à l'expression enjouée du Caradec, qui avait l'audace de mentionner l'alcool. Quel sacrilège ! « Je te promets d'être prudente. » Parvint-elle à prononcer, avant de se faire entraîner loin des regards scrutateurs et des réprimandes familiales. « Ce serait un grand plaisir de prendre quelque chose à boire. J'en aurais besoin pour me détendre. Penses-tu qu'ils proposent des boissons peu alcoolisées ? Je ferai attention, mais une soirée sans alcool risquerait d'être interminable. » Avoua-t-elle dans une phrase relevant un tantinet d’un caractère alcoolique, tout comme son comportement d’ailleurs. Puisqu’à peine une minute éloignée du joug domestique, son regard brun se perdait déjà d'un plateau à l'autre, en quête d'un rafraîchissement. Finalement, ses yeux se posèrent sur un plateau de vin blanc, peut-être tout droit venu du domaine de Castel. D'ailleurs, dans son champ de vision, derrière le serveur, se trouvait ce cher parfait mari Amaury. Il semblait engagé dans une conversation animée avec des jeunes dames de haute extraction. « Penses-tu qu'il songe déjà à des fiançailles ? » Questionna-t-elle en se tournant brusquement vers Eliaz et en déposant sa main sur son épaule, comme pour s'éviter de vaciller à cette idée, perchée sur ses talons de douze centimètres. Ce serait fort regrettable si l'héritier de Castel trouvait son bonheur ailleurs, lui qui trônait au sommet de sa liste de prétendants idéaux. Sur ce, Louise se saisit délicatement d’un verre de vin blanc qu'elle sirota avec douceur. Après avoir savouré quelques gouttes, alors qu'elle s'apprêtait à reprendre la conversation avec Eliaz, elle remarqua le regard persistant d'une jeune femme vêtue d'une robe immaculée, un peu plus loin sur le quai. Rapidement, ce regard insistant se fit fuyant, et la bourgeoise s'exprima avec horreur : « Je t'en prie, dis-moi ! Mes mèches ne dépassent pas de ma coiffure, n'est-ce pas ? » Pitié, qu'elle ne paraisse point telle une roturière aux cheveux mal arrangés. Pitié, qu'aucune dame de haute naissance n'ait remarqué un tel détail.

( Pando )

Recap:

( Le yacht du roi ) TW : Raph n’a que deux neurones et risque de vous faire perdre les vôtres. Raphaël, les copains te le disent souvent, tu n’es pas difficile. Qu’on te serve des bulles fines qui chatouillent le nez ou la plus vulgaire bière, tant qu’il y a de l’alcool dedans, tu es content. Aujourd’hui, contexte soirée de la haute, ce sont des bubulles qui ornent ton verre. La fête pourrait être belle, mais tu as deux problèmes. Le premier, c’est que tu n’as pas les copains avec toi. Ils trainaient trop, et toi, tu n’voulais pas louper l'évènement (et surtout l’opportunité d’admirer tes camarades dans des robes de préférence révélatrices), alors tu es parti en premier. Sans les joyeux lurons, tu te sens esseulé. Second problème : maintenant que tu as fini d’admirer le bateau, le club et toutes les demoiselles à portée d’yeux, tu commences à t’ennuyer. « Tenez-vous à carreaux » vous avait dit la Doyenne (en des termes plus élégants, certes). Pas plus il ne fallait pour que ton regard balaie la salle, à la recherche de quelques méfaits à réaliser. Tu tombes d’abord sur un groupe de particulés, avec les Bhopal et… d’autres titrés que tu as déjà vus et que tu ne reconnais pas. Sohalia-chouchou n’est pas avec eux, aucune raison donc de s’aventurer de ce côté (d’autant que Kamala, même en repos, n’hésiterait pas à reprendre du service et t’emmener au professeur le plus proche si elle te surprenait en train de faire une connerie). Tu continues ta recherche, et une tignasse rousse accroche ton regard. Une silhouette à repousser tous les damoiseaux et une gueule de dix pieds de long, pas de doute, il s’agit d’Esther Béguin. Oh, ce que t’es content de la trouver, pour une fois ! Peut-être qu’elle acceptera de faire une trêve ce soir, et t’aidera à concocter une jolie surprise pour pimenter cette soirée un peu guindée. Évidemment, elle est accompagnée par sa petite amie, largement potable dans sa robe noire, mais t’as appris à la dure qu’avec elle, tenter ta chance ne sert à rien. Isabelle est trop fidèle au gnome, et maintenant que tu sais qu’elles sortent ensemble, tu comprends pourquoi. T’as presque envie de leur hurler depuis l’autre bout de la salle de faire attention, quand même, si vraiment elles n’assument pas leur relation. Parce que bon, les gens n’ont peut-être pas ton intelligence pour détecter ces choses-là, mais tu ne les trouves vraiment pas discrètes. Bref, tu décides donc te rapprocher des deux amoureuses pour leur faire ta proposition pacifique (prêt à tout quand il s'agit de provoquer un peu de chaos). Soudain, tu te rends compte de la présence d’un troisième élément dans leur petit groupe. Aaaaaah ! Bordel, pourquoi personne ne parait choqué qu’elles tapent la discut’ avec un yūrei ?! Tu te frottes les yeux, regarde mieux, et te rend que le yūrei n’en est pas un, c’est juste Manami du Chesnes qui a décidé de se la jouer fantôme. Tu frissonnes et hésite à l’idée d’approcher à moins de cinquante mètres de Miss-Mini-Pestouille-du-Chesnes, surtout qu’elle a décidé de s’associer au gnome roux. Séparément, tu peux supporter la Peste et le Choléra. Les deux ensembles… au secours. Tu traines un peu vers un buffet en espérant que Manami s’éloigne, mais elle n’a pas l’air de vouloir décoller, la petite teigne, alors tu t’amuses à suivre son regard… Et tombe droit sur ton pote Eliaz, accompagné d’une sublime créature avec un décolleté à tomber par terre. Au revoir le gnome, ce duo propose des arguments bien plus intéressants ! Tu les rejoins en quelques enjambées, claironnant un « Eliaaaaaz ! » avant de passer un bras autour de ses épaules et de frotter ton poing sur son crâne, dans une démonstration d’amour viril. Tu as déjà oublié le fait que vous vous êtes disputés la dernière fois que vous vous êtes vu, au club de pétanque… Pour une raison dont tu ne te souviens plus. Ça fait trois jours, de l’eau a coulé les ponts. « Oh navré, je ne vous dérange pas, j’espère ! » lances-tu à la magnifique jeune femme, avec un sourire qui se veut ravageur. Et enchaînant vers Eliaz : « Tu nous présentes ? » Tu lui donnes une petite claque dans le dos, qui passe pour une salutation, mais signifie clairement en langage de copains « aller, n’soit pas vache s’il te plait ».

( Pando )

Récapitulatif :

Personnel enseignant. Présence obligatoire, pour la surveillance des élèves. S’il aimait son emploi, s’il espérait devenir professeur à terme, dire que Tristan n’appréciait guère que sa présence soit requise était bien en-deçà de la réalité. Il avait même envisagé concocter une potion légère, suffisamment efficace pour le rendre indisposé quelques heures, pile au moment du départ. Quoi qu’un petit sortilège de crache-limaces aurait fait son effet, écœurant la plupart des gens, mais il était bien trop facile à contrer – et on ne se mettait pas à cracher des limaces comme ça. Quoi que, c’était lui le médicomage et le vétérinomage, il aurait pu évoquer un virus méconnu. Mais sa conscience lui interdisait malheureusement de recourir à un tel subterfuge, malgré son manque d’envie flagrant de passer plusieurs jours auprès de l’aristocratie. Quelques jours au sein de l’aristocratie, qui ferait probablement montre de ses qualités les plus exécrables. Sans oublier, évidemment, sa famille paternelle, qui serait probablement présente en raison de leur rang.

Et, pour couronner le tout, ça avait évidemment lieu sur l’eau. Peut-être pourrait-il feindre la perte de contrôle, et arroser tout ce beau monde, involontairement ? Si l’idée lui arrachait un rictus moqueur, il savait qu’il risquerait son poste à Beauxbâtons en agissant ainsi et – pire encore – toute possibilité d’obtenir la responsabilité qu’il désirait réellement. C’était malgré tout tentant. Très tentant. Mais il serait sage. Il veillerait sur les élèves dont les familles n’étaient pas invitées, pas assez importantes ou pas assez intéressantes pour cela, et il compterait le temps qui passe.

Il avait donc revêtu sa plus belle tenue de soirée, d’une couleur vert empire qui s’associait délicatement avec ses cheveux roux et ses yeux verts, les mettant en valeur sans jurer. Quoi que l’on puisse dire sur sa famille, ils avaient un goût certain, même s’il avait dû solliciter certaines de ses tantes pour être certain d’avoir assez de tenues au goût de cette noblesse qu’il méprisait. S’il s’efforçait de rester sérieux – l’étant grandement, trop même, droit comme un piquet, coupe de champagne en main – il retint difficilement un sourire amusé alors que le jeune Caradec prenait des photos, indisposant les biens pensants qui trouvaient ça indigne alors qu’il y avait, bien évidemment, des photographes professionnels destinés à capturer leurs meilleurs profils de manière naturelle. Évidemment.

Il remarqua la jeune Isabelle et regretta presque de ne pas pouvoir lui proposer une session de plongée à la rencontre des créatures sous-marines – une proposition qui serait probablement refusée, la jeune élève préférant très certainement rester sur le yacht et non aller se confronter à des animaux qui l’effrayaient. Mais Tristan comptait bien remédier à ça, aussi longtemps que ça lui prendrait. Il devrait peut-être les aborder, elle et ses comparses de la soirée, mais sûrement avaient-elles mieux à faire que de discuter avec un adulte. Et peut-être que les ennuis arriveraient plus tôt que prévu, vu l’arrivée du jeune Delestre, manquant de discrétion. Tristan appréciait le jeune homme, mais il n’avait aucun doute du grabuge qu’il pourrait provoquer.

Récapitulatif :

Aucunement surprise de l’invitation lorsque la Doyenne l’avait annoncée, Shirin avait su qu’elle devrait de toute façon être présente selon les prérogatives de son propre père et de sa caste. Javed al-Farizi, en tant que nébulien, l’accompagnait, et Naveed sa tante avait également répondue présente. Ce fut d’ailleurs elle qui l’accueillie. Naveed était une belle femme. Chevelure de jai tressée, pattes d’oie sur le coin des yeux, rien n’enlevait le charme de l’iranienne dont l’air de famille avec sa nièce était évidente.
« Père est déjà arrivé ? » demanda Shirin en farsi avant de déposer un baiser sur la joue de sa tante.
« Oui, ma chérie. Viens, on va le retrouver. Tu es toute jolie, j’aime beaucoup ta robe. » dit Naveed avant de prendre le bras de sa nièce.
Une fin sourire se dessina sur les lèvres de Shirin qui la remercia. Elle arborait une robe au style persan bleue brodée d’argent avec quelques constellations dessus, clin d’oeil subtile au fonctionnement français. Elle avait réussi à maitriser sa chevelure en une myriades de tresses et perles savamment imbriquées. Les bijoux venant agrémentés son style on ne peut plus classique, ce fut les gants en accord avec la robe qui protégeait ses mains de toute lecture impromptue.
Se faufilant parmi les invités, Shirin voit rapidement son père et celui-ci l’embrasse avec chaleur. Heureuse de le voir, lui qui travaillait tant, lui ce héro, elle se fit présenter. Courtoisement, Shirin participe à la conversation, intéressante avant de laisser vaguement son attention s’échapper, regardant autour d’elle. Son regard s’arrêta alors sur la jolie robe de Kamala et un pincement au cœur la prit, suivi d’une légère frustration alors qu’elle vit Madeleine à ses côtés, la rousse détonant avec les sœurs de Bhopal.
« Tu peux rejoindre tes amies, si tu veux. » lui glissa Naveed.
Shirin reposa son regard sur sa tante et mère de cœur avant de lui faire non de la tête, embarrassée et de répondre :
« Ce ne sont pas mes amies. »
Même si l’une d’entre elle le fut un temps. Cependant, Shirin n’avait aucune envie de se retrouver avec elles, surtout si cela signifiait se faire regarder comme la pestiférée qui avait détruit la famille de Madeleine. Son regard s’attarda un instant sur son père, n’en ayant jamais discuté avec ce dernier et ne sachant toujours pas quoi en penser. Javed al-Farizi était sérieux et digne et parmi toute cette foule, elle se sentait sensiblement plus en sécurité avec lui qu’à errer à la recherche de personnes qu’elle connaissait ou non.
En réalité, elle se rendait subitement compte qu’elle se sentait affreusement nerveuse. Comment son père faisait pour paraitre si serein ?  Elle, elle ne rêvait que de s’isoler un peu. À la place, Naveed lui mit une coupe de champagne entre les doigts et la poussa à l’extérieur du cercle de discussion lui glissant, toujours en farsi : « Sérieusement, va t’amuser un peu Shirin. Tu es trop jeune pour que ces discussions viennent gâcher le plaisir de ce beau yacht… »
La malice de Naveed fut accompagnée d’un toussotement amusé de Javed qui ayant entendu et sachant que personne ne comprenait ce que sa soeur et sa fille se disaient accorda un regard entendu à Shirin.
Se retrouvant alors un peu au milieu, sa coupe à la main, Shirin sentit qu’elle commençait à paniquer subitement parce qu’elle n’avait certainement aucune envie de se retrouver dans le groupe de Kamala, Prysha et Madeleine et encore moins d’avoir à faire à Eliaz qui la considérait également comme une pestiférée. Tout ce qu’elle trouva alors à faire fut de changer la coupe de champagne par une boisson sans alcool parce qu’elle ne voulait ni faire honte à son père parce qu’elle ne tenait pas l’alcool, ni avoir subitement le courage de se diriger vers un des deux groupes à cause justement de l’alcool.
Shirin trempa donc ses lèvres mal à l’aise dans sa boisson attendant elle ne savait pas vraiment quoi, sans doute que le malaise passe ou que quelqu’un qu’elle connaissait viendrait la sauver de cette situation.

Spoiler:

Il essaye d’aplatir son pas, en vain. Calixte a une démarche qu’on pourrait qualifier d’enthousiaste, certainement pour compenser les quelques centimètres qui manquent à sa silhouette élancée pour égaler celles de ses amis. Il a donc ce pas rebondi, sautillant, qui devance Charles de quelques mètres à peine ; certains vont croire qu’ils ont déjà trop bu, parce qu’ils vont voir double : malgré tous les efforts déployés par Calixte pour cacher à son frère quelle tenue il va mettre, Charles l’a devancé ; la course entre les deux frères n’a jamais vraiment connu de vainqueur, ni de perdant, elle se joue depuis leur naissance, elle se poursuit dans les moindres détails. Qui sortira le premier de la salle de bains, qui aura les meilleurs résultats, qui aura les pires résultats, qui osera faire exploser un feu d’artifice dans la salle d’enchantement sans se faire prendre, qui terminera son verre le premier, qui terminera la bouteille en premier… Mais pas de bouteille, aujourd’hui, pas côté Calixte tout du moins : il tient à arriver au rocher d’un pas sûr.

La preuve. Il sautille, donc. Tente d’aplatir le pas, de mettre une distance entre lui et les autres de Wazières, que son nom ne le rattrape pas, que ce ne soit que son prénom qui arrive sur place avant les autres, sans le poids des attentes et des illusions, sans le poids même des paris et des sourires amusés. Charles a un sourire éclatant, Calixte le voit derrière son épaule, il a cette décontraction dans toute sa démarche qui frôle l’indécence, qui frôle même l’ivresse joyeuse et joueuse de celui qui n’arrive en retard que parce qu’il a pris de l’avance sur la soirée. Le plus sage des jumeaux pince les lèvres sans cacher sa désapprobation, s’assurant plutôt même que des regards en prennent bonne note alors même qu’il feint chercher une personne bien précise. Il n’y a rien de plus faux, son regard ne cesse d’être attiré par le yacht, la perspective d’un abordage du bâtiment royal, et les serveurs, et leur service, et les éclats de champagne qui se distinguent de loi.  Un coup d’épaule le sort de sa rêverie. « On parie sur qui va voler la vedette au yacht en premier ? »,  et le rire de Charles résonne à son oreille avant même que Calixte n’aie le temps de protester ; c’est tant mieux, il peut se reprendre d’un air digne et ne pas commencer à entrer dans le jeu de son jumeau. Calixte cherchait des contacts pertinents à prendre, Charles doit déjà être en train de repérer la meilleure source d’amusement dans le coin, et les défis idiots à se lancer, comme ceux invitant à faire de la soirée un défilé de mode avec des mannequins involontaires.   « Je te parie surtout que tu n’es pas capable de te tenir. Avant minuit, tu auras au moins causé trois incidents diplomatiques. » Il entend un rabat-joie moqueur, suivi d'un « Pari tenu ! », avant que Charles n’attrape deux verres de champagnes sur un plateau, en impose un à Calixte et disparaisse dans la foule, accompagné d’un nouveau soupir désapprobateur.

Calixte a maintenant de quoi tremper ses lèvres, pour prendre le temps de se décider, et de chercher un groupe avec qui personne ne l’imaginerait traîner, et qui aurait plus tendance à siroter un petit jus de fruits qu’autre chose. Shirin, par exemple, - que Poppy alpague sans lui laisser l’occasion de se trouver une autre cible. Quelle école de beaux gosses, « On parle de moi ? », de lui ou de son sourire moqueur, rieur, personne ne sait ; Calixte en oublie que ça ne colle pas avec l’image d’élève austère, sérieux, responsable qu’il tenait à proposer ce soir, mais peu importe : « Mais je suis d’accord avec l’idée, il n’y a que les imbéciles pour ne pas profiter de la soirée pour se démarquer un peu des autres. Les imbéciles, ou les sorciers sans personnalités. » Au botteballon, on appellerait a un but contre son camp, on rappelle que Calixte et Charles n’ont pas réussi à introduire une différence dans leur tenue ce soir. « Alors, il y a déjà des rumeurs qui courent et circulent plus vite qu’une bouteille de Floc de Gascogne, ou je ne suis pas arrivé suffisamment en retard pour ça ? » Et il parle trop, trop vite, trop vite pour réfléchir à ce qu’il dit, et pour se rendre compte qu'il y a une tierce personne dans la conversation, et une question du côté de Poppy qu'il a interrompue. « Professeur, vous êtes fiancé ? Félicitations ! »

Il parlait de rumeurs, Calixte aime tant les entendre qu'il ne se prive jamais d'alimenter  le flux continu des dis, tu savais que... qui ne se calme jamais.

Spoiler: