Caradec &
de bhopal

COUCOU-COUCOU-COUCOU-COUCOU ♪ « Tu crois que c'est trop ? » Croulant sous les étoffes soyeuses de sa garde-robe, Kamala interrogeait Prysha du regard. Comment fallait-il s'habiller pour aller dans une... taverne ? COUCOU-COUCOU-COUCOU-COUCOU ♪ Cela faisait bien des années que Rozenn la tannait pour y aller, mais les sœurs de Bhopal n'y avaient encore jamais mis les pieds. Il était sûr qu'il ne fallait pas qu'elle s'habille comme pour un bal, mais pas non plus comme pour aller en classe. COUCOU-COUCOU-COUCOU-COUCOU ♪ A quoi ressemblait le 31 des roturiers français un soir d'hiver ? Est-ce qu'Eliaz allait porter la veste à sequins qu'elle lui avait offert pour son anniversaire l'an dernier ? Et est-ce que cette fichue horloge allait enfin arrêter de HURLER ? COUCOU-COUCOU-COUCOU-COUCOU ♪

D'un coup de baguette, Kamala rangea ses affaires dans l'armoire de sa chambre, et observa son reflet dans le miroir une dernière fois avant de partir. Il était hors de question qu'elle arrive en retard au point de rendez-vous, mais il fallait avant tout qu'elle ne paraisse pas trop cruche à la Sirène Ensorcelée. COUCOU-COUCOU-COUCOU-COUCOU ♪ Ses boucles ébènes se prélassaient paresseusement sur ses épaules et dans son dos, elle les avait détachées pour l'occasion, et s'était refusée à les orner d'une quelconque fantaisie : Rozenn avait dit sobre. Toutefois, qu'était une de Bhopal sans sa multitude de bijoux traditionnels ? Grandes boucles d'oreilles, épais bracelet et bague imposante s'étaient glissés dans le décor d'une tenue indienne quelque peu modernisée. COUCOU-COUCOU-COUCOU-COUCOU ♪ Une tunique de velours aubergine aux arabesques de fils d'or surmontait un pantalon droit brodé de ce même fil, le tout accessoirisé de chaussures de soirée dorées - peut-être un peu trop légères pour la saison - mais Kamala l'apprendrait bien à ses dépends. « J'aurais aimé que Madeleine vienne avec nous. » COUCOU-COUCOU-COUCOU-COUCOU ♪ Regard confus de la cadette. « J'AURAIS AIME QUE MADELEINE VIENNE AVEC NOUS ! » La douce demoiselle de compagnie des sœurs avait décliné l'invitation des Caradec, se voyant obligée de se joindre aux préparatifs de la fête d'anniversaire de Prysha au Palais Vaissier, le lendemain. COUCOU-COUCOU-COUCOU-COUCOU ♪ « TU ES MAGNIFIQUE, BEHEN. » Le regard attendrit de Kamala (quoique légèrement agacé par ce fichu coucou) se posa sur sa jeune sœur, qui s'était parée d'un immense sourire auquel elle n'avait rien pu refuser à la mention des festivités de ce soir. Prysha aurait droit à un verre. UN. Pas plus. Elle lui avait promis. Et puis, de toute façon, Kamala serait Sam ce soir (elle ne savait pas ce que ça voulait dire, mais elle avait entendu ça une fois), n'est-ce pas ?

Rejoignant enfin Rozenn à l'entrée du domaine : le silence, Kamala se couvrit de sa longue cape d'hiver, pestant à demi-mot contre cette fichue horloge qui lui avait donné un mal de crâne avant même de se rendre à Naille-Haute. « Rozenn ! Nous voilà. » lança-t-elle à son amie dans un sourire à la fois chaleureux et inquiet. Il n'y avait plus qu'à attendre Eliaz, et à prier pour que son mal de tête passe aussi vite qu'il était arrivé.

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de Bhopal

Prysha zieutait sa soeur depuis la sûreté de sa cachette. Absolument exécrée par les hurlements de l’horloge, elle avait trouvé refuge sous un oreiller qu’elle maintenait fermement autour des ses oreilles. Entre deux changements de vêtements de son aînée et quelques commentaires échangés, elle lançait un regard meurtrier au coucou rêvant de pouvoir le démonter a coup de marteau pour le revendre en pièces détachées (bien que si son rêve se réalisait, il ne resterait certainement plus tellement de pièces à mettre en vente): “Trop habillée, pas assez, trop sombre, trop colorée, trop formelle, trop osée, trop bal du nouvel an, pas assez taverne douteuse remplie de gens douteux qui ont certainement des intentions douteuses…” (on sent qu’elles sont à l'aise non?) Il y avait toujours quelque chose qui clochait dans les tenues que se proposaient les deux sœurs. Avant que le pendule ne se mette à vociférer comme un cochon qu’on abat, elles avaient d’abord fini par se mettre d’accord sur la tenue de Prysha, optant pour une robe rockabilly bleu nuit avec des volants aussi blancs que les petits escarpins qui les accompagnaient. Kamala avait ensuite, d’une main experte, coiffée sa crinière en un chignon complexe qu’elle etait venue couronner d’un Maang Tikka serti de rubis (discrétion assurée) qui reposait sur le front de Prysha. Hors de question qu’un saoulard vienne lui tripoter les cheveux sans son authorisation. Non qu’elle donne d’ailleurs pareille authorisation à grand monde à part sa grand-mère, sa mère, sa soeur et pour lui faire plaisir parfois à Madeleine dont Kamala venait justement de mentionner le nom. “J’AURAIS AUSSI AIMÉ QU’ELLE SOIT LÀ, ELLE TRAVAILLE TROP ET ELLE AURAIT BIEN EU BESOIN DE S’AMUSER” repondit-elle, comme si sa soeur était une vieille dame de 95 ans qui n’entendait plus très bien et qui finirait sans doute par se faire manger par ses chats parce que personne ne remarquerait qu’elle était morte depuis trois semaines.

Regard empli de haine qui se glissa vers l’horloge. Prysha ressenti une pointe de culpabilité, sa soeur avait dû passer un temps certain à la coiffer, ce qui les avait mise en retard, ce qui avait déclenché le coucourmageddon de Rozenn, ce qui faisait qu’elles ne pouvaient pas s’entendre alors que Kamala tournoyait pour lui montrer sa tenue. Un sourire vint naturellement orner les lèvres de l’adolescente qui se sentit si fière d’avoir une sœur aussi belle. “TOI AUSSI TU ES SPLENDIDE DIDI.” Nouveau coup d’oeil assassin qui cette fois-ci est belle et bien decidé à commettre une tentative de meurtre sur pendule. Dès que Kamala à le dos tourné, en train de récupérer leurs manteaux dans la penderie, Prysha s’arme d’une chaussure esseulée qui trainait au milieu du bazard que les de Bhopal avait semé dans le dortoir, visa et en tant que bonne héritière de sa famille qui avait la menace du coup de tatane facile, attegnit sa cible parfaitement. La pendule, sonnée, sembla avoir oublié comment hurler.

Ravies du silence ambiant, les deux soeurs se mirent en marche. Il faisait frais ce soir-là et Prysha serra un peu plus fort le bras de soeur, son coeur battant la chamade. Partagée entre l’excitation et l'appréhension de decouvrir un endroit qu’elle n’avait jamais vu auparavant, elle ne put s’empecher de sourire, malgré son agacement, en voyant la silhouette de Rozenn se dessiner. “Merci pour le cadeau empoisonné de l'horloge hurleuse, mais il ne fallait vraiment pas te donner autant de peine.” Elle se retint de lancer un “tu me devras au moins cinq… verres de… de liquide… de… de l’alcool (qu’est-ce-qu’on pouvait bien boire dans une taverne?!) en dédommagement du traumatisme causé à mes tympans” de peur d'éveiller le courou de sa meilleure moitié à qui elle avait promis un comportement parfait ce soir. D’ailleurs elle n’etait pas vraiment sure que maman bis Rozenn soit forcément ravie d’une telle demande. Heureusement pour elle, elle fut sauvée des elans maternels des deux filles par l'arrivée d’un Eliaz à paillettes sauvage. Elle ne put s'empêcher de s’exclamer en le voyant ainsi attifé “Mais on avait dit sobre ce soir! Oh non Didi, est-ce-qu’on est pas assez habillée?” On ne peut pas être mal habillee lorsqu’on s’appelle de Bhopal, et la panique gagna la cadette qui s’imaginait déjà être la risée du bar. Hors de question de perdre un combat de style contre Caradec boule à facettes.

Mais apparemment personne ne partageait son angoisse, et la petite troupe se mis en route. Prysha écouta d’un air intéressé Eliaz parler des differents types de boissons qu’ils pourraient goûter ce soir. “D’ailleurs que fait-on dans une taverne? Je suppose qu’on n’y danse pas le quadrille ou la valse viennoise non?”. Prysha ne savait pas quoi s’imaginer. Elle n'était pas vraiment sûre qu’aucun membre de sa famille n’ait jamais mis les pieds dans une taverne auparavant et elle n'était pas vraiment sûre que ce soit un exploit dont ses proches seraient vraiment fiers. Le breton continue de parler et inquiete une nouvelle fois la jeune indienne qui serre le bras de sa soeur “Tu nous defendras aussi contre les hommes barbares hein Didi? Je ne sais pas si l’ont peut faire tellement confiance a Eliaz pour ces choses-là…” Ils allaient bientôt en avoir le coeur net: la place du serpent cornu se faisait de plus en plus proche, et ils n’allaient pas tarder à apercevoir la Sirène ensorcelée.

roll baby roll:

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L'arrivée d'Eliaz (splendide dans la veste-à-facettes que Kamala lui avait confectionnée) troubla momentanément Prysha. « Mais on avait dit sobre ce soir! Oh non Didi, est-ce qu'on est pas assez habillées ? » Kamala sourit, jetant un œil à une Rozenn bien plus sobrement vêtue que son frère. « Tu sais bien qu'à moins de s'appeler Motilal ou Haruo, on ne peut rivaliser avec l'extravagance d'Eliaz. » Laissant échapper un rire, elle continua. « Tu es parfaite. Et ce serait toujours le cas si tu étais vêtue d'un sac à citrouilles. » Leur étreinte se fit plus étroite, comme une maman chat le ferait avec son petit lors de la sieste, et le groupe se mis enfin en route vers ladite taverne.

Les cadets étaient bruyants, excités à l'idée d'une soirée hors de l'école, qui plus est dans un lieu qu'ils n'avaient pas l'habitude de fréquenter. Les questions fusaient, certaines directement adressées à Rozenn (la connaisseuse), d'autres balancées un peu au hasard (surtout celles d'Eliaz), mais le cœur de Kamala loupa un battement lorsque fut abordé le sujet des hommes. Il était vrai qu'elles étaient trois jeunes femmes. Et qu'Eliaz - sans vouloir l'offenser - n'était pas vraiment du genre inquiétant pour la gente masculine. Avec un peu de chance Motilal les rejoindrait plus tard, mais en attendant, Kamala allait devoir jouer les sentinelles. Aucun homme n'avait jusqu'alors réussi à l'intimider (quoique, peut-être un), et s'il fallait laisser tomber les convenances pour écraser un pied ou deux, alors soit.

La place du Serpent Cornu était illuminée de toute part, et les élèves et habitants s'entassaient joyeusement aux stands de bièraubeurre et de vin chaud. L'atmosphère était déjà à la fête alors que la devanture de la Sirène Ensorcelée leur apparaissait seulement sous les yeux ; et honnêtement, elle avait tout l'air d'avoir été maudite plutôt qu'envoutée. Kamala grimaça presque, levant un sourcil alors que sa main libre refermait un peu plus le col de sa cape. Elle n'était plus sûre de vouloir y mettre les pieds. Ses pieds gelés par l'absence d'une quelconque protection contre le froid. Il était encore temps de faire demi-tour, mais les seules options qui s'offraient à elle étaient de décevoir Prysha pour son anniversaire (il en était hors de question) ou de rentrer seule au château et de laisser sa cadette sans surveillance (et là, plutôt mourir). L'indienne soupira donc, et suivi les pas de Rozenn qui s'avançait déjà dans la taverne, Eliaz à son bras, Prysha au sien.

A priori, rien ne semblait indiquer un danger imminent, mais Kamala fut immédiatement déstabilisée par les rondes et autres danses inconnues à son répertoire, rythmées par les musiciens qui semblaient avoir ensorcelé leurs guitares et tambours de basque d'un puissant Sonorus. « Bonsoir mes jolis ! Vous voulez boire un p'tit quelqu'chose pour vous réchauffer ? » La tavernière (aux atours laissant peu de place à l'imagination) leur offrit un grand sourire alors que les pintes se remplissaient et se nettoyaient toutes seules autour d'elle. Le sourire légèrement pincé, Kamala s'avança vers le bar pour demander ce qu'on pouvait bien boire dans un lieu pareil, mais n'arriva jamais à destination. Un rock endiablé venait de commencer, et apparemment, l'homme qui l'avait ramassée sur son passage s'était trompée de cavalière, la faisant tournoyer sur elle-même avant de poser ses mains sur sa taille. Sûrement pas prêt pour la gifle de sa vie.

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La Sirène Ensorcelée... Quelle idée de passer une soirée précédant un anniversaire dans un lieu aussi peu élégant. Motilal n’en revenait toujours pas. Qu’est-ce qui avait bien pu convaincre ses sœurs que ce serait une bonne idée ? Non. Correction : qu’est-ce qui avait bien pu convaincre Prysha que ce serait une bonne idée ? Parce que connaissant Kamala, elle n’y allait sans doute que pour faire plaisir à leur benjamine et accessoirement pour la tenir à l’œil. Lui qui d’ordinaire raillait cette attitude de mère poule était obligé de lui donner raison, ce qui était loin de lui faire plaisir. Les dieux seuls savaient ce qui se passait dans cette taverne bien loin de leur univers habituel. C’était d’ailleurs pour cela qu’il avait accepté la demande de sa grande sœur : largués en territoire inconnu mieux valait être une fratrie complète de de Bhopal que seulement deux -sans offense pour les Caradec qui seraient également de la partie-. Quoiqu’un recoin de son esprit rappela au jeune sorcier que cette excursion était à l’initiative d’une Caradec. Alors peut-être qu’un peu d’offense était bienvenue. Car pour convaincre Motilal de Bhopal de dire adieu à une délicieuse soirée à l’abri des frimas dans le confort de la Cour des Mirages, il fallait se lever tôt.

Et maintenant, plutôt que de partager des discussions civilisées et des encas délicats entre étudiants d’une école prestigieuse, il était obligé de retourner sa garde-robe à la recherche d’une tenue appropriée pour un établissement où d’ordinaire il n’aurait pas mis les pieds. « Soit sobre » avait précisé Kamala. La belle affaire. Il n’était pas né dans une des familles les plus prestigieuses de France pour ressembler au premier sorcier venu, roturier ou de bonne famille. Mais il n’était pas non plus inconscient au point de vouloir attirer l’attention de malvenus. Il fallait quelque chose qui passe aux yeux des plébéiens du bar tout en gardant cette touche qui faisait de lui qui il était.

Son choix se porta finalement sur une tenue qu’il avait peu eu l’occasion de porter. Une combinaison deux pièces en gabardine écarlate ; sanglée d’une ceinture jaune vif et accompagnée de gants en cuir assortis il la jugea suffisamment adaptée pour les circonstances. Il ne voulait pas porter trop de bijoux histoire de ne pas tenter le diable mais en bon de Bhopal il était impensable qu’il n’en porte aucun. Une bague à la pierre bleu sombre vint ainsi rejoindre son annulaire gauche, complétant une tenue en hommage aux couleurs primaires. Il fallait juste prier que les malfrats ne sachent pas reconnaître un vrai saphir.

Un rapide coup d’œil à l’horloge de la chambre lui fit comprendre qu’il valait mieux qu’il se dépêche. Certes il avait dit à Kamala de ne pas l’attendre mais il n’aimait pas l’idée de ne pas être à pouvoir être à leurs côtés trop longtemps dans un bar aussi sordide soit-il.

Cela ne l’empêcha cependant pas de grommeler lorsqu’une bourrasque glacée vint le prendre de plein fouet. Prysha avait intérêt à faire preuve d’autant de diligence lors de son prochain anniversaire.

De toute évidence, le petit groupe de ses adelphes n’était pas le seul à avoir décidé de passer une soirée en extérieur. L’atmosphère était aux festivités de toute évidence, on pouvait sentir dans l’air les rires et une chaleur bienvenue par ce froid hivernal. Ce n’était pas le genre d’ambiance festive auquel il était habitué mais celle-ci n’était pas mauvaise en soi. Plus rustique, plus brute certes, mais pas mauvaise. Enfin, ça c’était avant qu’il ne pose les yeux sur la devanture de La Sirène. La dernière fois que son expression avait eu l’air aussi peu avenante, il avait bu par mégarde du vin tourné.

Heureusement ou malheureusement, il était trop fier pour souffrir la sensation d’avoir perdu son temps en tournant les talons vers Beauxbâtons. C’est donc la tête haute, qu’il fit son entrée, non sans faire mentalement une liste de ce qu’il exigerait de ses sœurs pour l’avoir entraîné là-dedans. C’est là qu’il comprit que les dieux avaient bel et bien un sens de l’humour.

Motilal avait rarement si ce n’était jamais vu sa sœur aînée faire preuve de violence. Après tout c’était une jeune femme noble. Mais là, il pouvait sentir la douleur cuisante de cette gifle sur sa propre joue. Que faire ? Être choqué ou applaudir ? Troisième réponse s’il vous plaît. Il se précipita sur ce qui servait de piste, baguette en main. Il était à peu près sûr que la victime de Kamala était loin de trouver la situation aussi juteuse et amusante que lui. « Désolé je suis en retard. » Murmura-t-il en se mettant entre sa sœur et l’homme avant d’adresser la parole à ce dernier « Monsieur, j’ose espérer que vous allez bien ? » S’enquit-il, inquiet que cela ne dégénère. « Je… Je… » De toute évidence, le malheureux était sous le choc et d’après l’odeur pas qu’à cause de la gifle. L’étudiant senti un poids se dégager de ses épaules.« Je pense que vous avez besoin d’un grand verre d’eau. » compléta-t-il d’une voix exagérément mielleuse, de celles, subtilement condescendantes et jubilatoires que l’on prend lorsque l’on s’adresse à un enfant particulièrement turbulent qui s’est finalement étalé au sol, face la première.

Par chance -merci Lakshmi-, il y avait peu de témoins de la scène, les occupants des lieux étant trop occupés à se déchaîner sur scène ou à se laisser aller aux délices de la boisson et les rares spectateurs étant plus enclins à rire de la situation de l’ivrogne. « Rappelle-moi de ne jamais te pousser à bout. » murmura-t-il, taquin à Kamala alors qu’il l’entraînait dans un coin tranquille du bar.

Une fois installé sur des sièges -Motilal jugea bon de ne pas penser à leur propreté- il finit par s’enquérir sérieusement de l’état de son aînée « Tu vas bien ? Qu’est-ce qui s’est passé ? Et où sont les autres ? »

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Malgré la cacophonie rythmée par la musique tonitruante qui saturait la taverne, la gifle que Kamala administra à l'ivrogne retentit dans la pièce. Les notes discordantes semblaient se plier à la violence du geste, et un moment de silence suspendu enveloppa la scène. Elle sentit le poids de quelques regards curieux, inquiets, et parfois même amusés se poser sur elle. Toutefois, elle ne cilla pas. La victime de sa colère tenta de balbutier des excuses, mais Motilal prit le relais, offrant une main secourable plutôt que des reproches. Le regard sévère, Kamala garda son calme (du moins verbalement), les yeux rivés sur l'intrus qui s'éloignait dans la semi-pénombre tamisée des lanternes magiques suspendues çà et là de la piste de danse, probablement plus choqué par son retour à la réalité que par la gifle elle-même.

Guidée par les mains protectrices de son frère, Kamala fit volte-face et suivit la trajectoire inverse vers un coin plus paisible de la taverne, le plancher grinçant de façon inaudible sous leurs pas. « Rappelle-moi de ne jamais te pousser à bout. » lui chuchota-t-il, non sans lui arracher un sourire discret qui éclaira son visage, fière de l'audace dont elle venait de faire preuve, même si l'incident laissait une légère amertume.

Les éclats de musique se faisaient plus doux, laissant place aux murmures étouffés des conversations alentour, et la voix préoccupée de Motilal rompit le silence intérieur de Kamala. « Tu vas bien ? Qu’est-ce qui s’est passé ? Et où sont les autres ? » Respirant profondément pour apaiser les tensions accumulées dans sa poitrine, Kamala sentit l'odeur distincte du bois vieilli, des effluves alcoolisées et de la poussière, et grimaça avant de narrer l'incident à son petit frère, ressentant encore les traces de l'incident sur sa propre peau. « Je sens encore ses mains sur ma taille, » frissonna-t-elle, resserrant instinctivement sa cape autour d'elle. « C'est dégoûtant. »

Puis, une invitation brisa la parenthèse. « Kam, Motilal, vous faites une contre-soirée ? Venez ! » Motilal avait ce qui semblait être la voix d'Eliaz dans son champ visuel, et tendit son bras à Kamala, qui s'y accrocha afin de rejoindre leur groupe sans encombre, cette fois. « Il faut absolument que vous testiez ces shots. Ça va, Kam ? T’as l’air… un peu… euh, énervée. Tu devrais boire, ça te détendrait sûrement ! » Le petit verre qui lui était tendu contenait un liquide irisé qui tourbillonnait inlassablement, laissant entrevoir les reflets dansants de la magie liquide qu'il contenait. Le saisissant poliment, Kamala déclina toutefois. « Oh, hm, je ne bois pas ce genre d'alcool Eliaz. Je passe mon tour, ne m'en veux pas. » l'avisa-t-elle avant de tendre son shot à Motilal. « Tu en veux un autre ? L'un de nous doit garder la tête froide ce soir, et j'aime autant que ce soit moi. »

Guidés par Eliaz, ils s'aventurèrent à travers la mosaïque humaine de la taverne, et retrouvèrent bien vite le petit groupe avec lequel Kamala était arrivée ; plus deux nouvelles têtes qui rendirent à l'Indienne son tendre sourire. « Sohalia, Sélène ! Bonsoir ! Je suis heureuse que vous ayez pu venir. Et cela doit également ravir notre petite reine de la soirée, n'est-ce pas Prysha ? » lança-t-elle en s'asseyant à côté d'elle à une table en bois massif illuminée par quelques bougies vacillantes ; et d'un geste qui se voulait espiègle, mima un pincement de joue digne de sa réputation bien établie de mamie.