Pando

ft. @Esther Béguin

Un peu plus tôt dans la journée, pendant son cours d’arts et esthétique, Isabelle avait commencé à gribouiller quelque chose qui n’avait absolument rien à voir avec la leçon sur son carnet de croquis. Le professeur avait sans doute dû penser qu’elle suivait ses instructions car il ne lui avait fait aucune remarque. Ou alors peut-être se disait-il simplement que ça ne valait pas la peine qu’il perde son temps pour une cause perdue. C'était même l'option la plus probable des deux.

Le cours était terminé depuis un moment puisqu’il n’y avait plus personne dans la salle à part Isabelle qui n’avait pas bougé de sa chaise, toujours en train de dessiner dans le calme absolu. Mais c’était sans compter la douce voix de sa meilleure amie qui venait l’interrompre soudainement. « ISABÔ ! J'sais pas c'que tu fais mais arrête. J'ai mieux. » Isabelle sursauta, faisant presque tomber son crayon sous la surprise. Elle referma son carnet avec hâte, dissimulant ainsi son début de croquis… de quelqu’un dont on taira le nom, puis posa son regard sur l’objet qu’Esther brandissait sous ses yeux. cela lui disait vaguement quelque chose, elle devait sans doute avoir déjà aperçu ça dans un livre, mais ses connaissances s’arrêtaient là. « C’est un ouija, la planche pour les esprits là. On joue ? » « Euh… Si tu v- » et avant même qu’elle ne puisse terminer sa phrase, ses affaires s’envolèrent pour laisser place à la fameuse planche. Visiblement elle n’avait pas le choix. « Y'a juste un truc. J'sais pas comment on fait. » Isa n’était clairement pas la personne la plus à même de savoir comment utiliser ce genre de chose, l’occulte était loin d’être son domaine et elle comptait plutôt sur Esther pour comprendre tout ça. « J’en sais rien moi… » dit-elle en attrapant sur la planche un petit objet en bois qui avait la forme d’une goutte. Elle l’observa un instant, comme si il allait lui donner des instructions – sans grand résultat bien évidemment. « On est pas sensées être dans le noir, allumer des bougies, ce genre de choses ? »

Pando

ft. @Esther Béguin

À peine un instant après qu’Isabelle eut suggéré d’assombrir la pièce, Esther s’en était occupée, plongeant ainsi la salle de classe entière dans le noir. On n’y voyait plus rien, à tel point qu’un bruit soudain se fit entendre, suivi d’un « Aïe !!! Rah merde, j'aurais du chercher les bougies avant, j'vois plus rien. Lumos ! » Isabelle essaya tant bien que mal de retenir un petit rire nerveux. Mais alors que le regard d’Esther allait et venait entre sa baguette et un encrier qui se trouvait sur la table d’à côté, Isabelle devina sans mal ses intentions et afficha aussitôt cet air qui voulait clairement dire « Non, c’est une idée de merde. » Elle pointa alors du doigt le fond de la classe, désignant les bougies toutes neuves que sa meilleure amie s’empressa de faire venir jusqu’à elles avant de les allumer.



« On peut jouer maintenant !? » Si ça avait été une autre personne qu’Isabelle qui s’était trouvée face à Esther à ce moment là, elle aurait sans doute eu très peur de cet air terriblement satisfait qu’affichait la rousse à la faible lueur des bougies. Cela ferait presque faire penser à une couverture de roman horrifique que l’on peut trouver dans les librairies des non-magiques. Isabelle aurait même juré en avoir déjà vu une assez semblable un jour. Elle hocha finalement la tête de bas en haut, signifiant qu'elle était prête. « Y'a quelqu'un !? Hé ! Hé, si y'a quelqu'un montrez-vous ! » La brune poussa un soupir avant de tendre la main dans laquelle se trouvait encore la goutte en bois. « Esther, je pense que ça marcherai mieux avec ça… Enfin je dis ça je dis rien hein, mais si c’est là j’imagine que c’est pas pour rien. » Elle posa finalement l’objet sur la planche de ouija, ne sachant pas trop à quel endroit… elle opta pour le centre, tout simplement. Et en réfléchissant d’avantage aux images qu’elle avait déjà pu voir il y a longtemps ; illustrant ce type d’objet, elle se souvenait vaguement des mains des participants qui restaient posées dessus. Elle attrapa donc soudainement de ses deux mains celles d’Esther, et les amena avec les siennes sur la goutte. « Je suis presque sûre que l’on doit faire comme ça. Maintenant vas-y, je pense que tu peux retenter. » Isabelle n'était pas sûre que ce dans quoi elles s'embarquaient était une si bonne idée... Mais tout de même, qu'est-ce qu'elle était curieuse de voir où ça allait les mener.

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ft. @Esther Béguin

Après une première tentative, si on pouvait véritablement qualifier ça de tentative… Esther se reprit et se décida enfin à faire ça un peu plus sérieusement. Isabelle avait vu ses yeux se fermer et fit alors de même. « Esprit es-tu là ? » Après quelques instants, la goutte bougea et Isabelle ouvrit les yeux pleine d’espoir à l’idée que ça ai fonctionné. « Nan j'déconne, c'était moi. Y'a pas l'air d'avoir grand monde dans c'bidule. Enfin, p'têtre que si c'est toi ils vont sentir ta p'tite aura gothique, et tous rappliquer. » Isabelle lui lança cet habituel regard noir qu’elle faisait toujours lorsque qu’elle était agacée, mais Esther se rattrapa avec ce qui ressemblait vaguement à un compliment. Bon, passons. C’était peut-être trop lui demander de garder son sérieux, (même si c'était quand même son idée à la base...) alors à son tour d’essayer de faire fonctionner cette foutue planche.

Isabelle fixa un court instant les flammes des bougies qui dansaient doucement près d'elles, prit une grande inspiration, puis ferma les yeux. Elle se concentra, souhaitant sincèrement que cette goutte récalcitrante qui attendait encore sous leurs doigts se mette enfin à bouger. « Esprit… Si tu te trouves parmi nous, révèle ta présence. » Elle avait presque hésité à ajouter un s’il te plait, mais elle n’était finalement pas d’humeur à être trop polie avec une entité qui n’était peut-être même pas là, ou pire, qui les faisait patienter pour rien.

Isabelle rouvrit les yeux, curieuse de voir le résultat. Les flammes des bougies s’arrêtèrent de bouger, comme pour se stabiliser ; ou pour signaler une faible présence invisible qui ne se faisait pas encore trop ressentir dans la pièce. C’était même à se demander si elle était vraiment là. La goutte se mit tout de même à bouger, se déplaçant lentement, très lentement… beaucoup trop lentement bordel. Quel suspense. Mais elle s’arrêta finalement sur une lettre, une simple lettre et rien de plus. « A » Il fallait croire que l’entité avait envie de mettre à l’épreuve la patience d'Esther et Isabelle. Ou bien c’était simplement de la timidité, qui sait. Il fallait dire qu’elle n’était pas tombée sur les deux élèves les plus accueillantes de Beauxbâtons. « A ? Mais qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire ? » Grommela Isabelle avec une pointe d’agacement dans la voix. « A comme Archambeau ? Amitié ? Art ? Alchimie ? Amour ? » Sur ces mots, elle continua de réfléchir un instant, les sourcils légèrement froncés. « Ou alors c’est son prénom ? Tu en penses quoi ? » Son regard se tourna finalement vers Esther, espérant qu’elle aurait une idée plus précise de la signification de cette unique lettre.

Roll the dice:

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ft. @Esther Béguin

Alors qu’Esther énumérait toutes les idées de prénoms qui lui passaient par la tête, Isabelle semblait plongée dans une profonde réflexion quant au sens caché de cette unique lettre. Un bien trop pauvre indice pour percer le mystère de l’esprit qui leur avait laissé ce message. Pour le moment, cette séance de ouija restait bien loin de toute conclusion satisfaisante à ses yeux. Esther évoqua finalement une nouvelle idée, mais Isabelle demeura perplexe ; elle n’avait pas la moindre idée de ce à quoi son amie faisait allusion. « Hm, jamais entendu parler de cette histoire… » Ou alors peut-être l’avait-elle déjà entendue, mais ce genre de récit ne retenait guère son attention. Elle préférait de loin se plonger dans des romans d’amour, plutôt que d’écouter ces rumeurs que l’on pouvait entendre au sein des couloirs de Beauxbâtons.

Le courant d’air frais et les flammes tremblantes des bougies captèrent soudainement l’attention d’Isabelle. Elle scruta nerveusement les alentours, comme si elle s’attendait à y voir quelque chose alors qu’elle savait très bien au fond qu’il n’y aurait absolument rien, si ce n’est une atmosphère qui changeait peu à peu. Son regard finit par se poser de nouveau sur la planche. Si un réel signe devait se manifester, il n’y avait qu’à cet endroit qu’elle aurait la capacité de le percevoir. Esther réitéra leur demande ; un signe plus clair ne serait pas de refus. N’importe quoi, du moment qu’il ne s’agissait pas encore d’une pauvre petite lettre. La voix ferme de la rousse sembla faire son effet, car une phrase entière leur parvint ; se traçant doucement sous leurs doigts qui ne pouvaient à présent que suivre la goutte en bois. « Plus que ce à quoi vous pensez » Hein ?

Encore un message bien trop énigmatique, à croire que les esprits ne savent tout simplement pas être précis. Avec un soupir de frustration, Isabelle commenta. « Plus que ce à quoi vous pensez… Merci pour ces indications super claires. » Elle leva les yeux au ciel puis regarda Esther d’un air interrogateur. « Tu penses à quelque chose toi ? T’as une idée de ce qu’il… ou elle a pu vouloir dire ? » Elle replongea ensuite dans ses pensées, s’efforçant de trouver le sens caché de ce à quoi l’esprit pouvait faire référence. « Qu’est-ce que j’ai mentionné tout à l’heure déjà ? Amitié, alchimie… » Elle s’arrêta aussitôt avant de répéter le dernier mot qu’elle avait en tête. Elle avait bien vu le haussement de sourcil d’Esther lorsqu’elle avait prononcé le mot amour un peu plus tôt, et la gêne qu’elle avait ressenti la dissuada de réitérer l’expérience. La honte. « Ou alors il y a plusieurs esprits ? Roh, c’est vraiment pas clair. »

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ft. @Esther Béguin

À la suite des commentaires d’Esther, Isabelle commença à remettre en question le sérieux de la situation. Cependant, une petite part curieuse bien enfouie au fond d’elle ne pouvait s’empêcher de décrypter les messages qu’elles avaient reçu, même si ceux-ci semblaient finalement moins cruciaux qu’elle l’avait espéré. Elle oscillait entre l’idée d’abandonner l’expérience et le désir d’en savoir davantage, mais peut-être prenait-elle tout cela un peu trop à cœur. Toutefois, sa curiosité persistait.



Esther la devança finalement en posant une question plus tangible. Un bruit métallique et légèrement inquiétant suivit, puis, un souffle glacial survint d’un seul coup, les prenant toutes les deux au dépourvu.

« T’as senti ça, Isa ? »
« Oui, j’ai senti… »
« C’était… c’était vraiment chelou. »
« Ça n’aurait pas pu être… je sais pas moi, un coup de vent ? Tout est bien fermé ? »

Esther semblait commencer sincèrement à perdre patience. Alors, elle demanda quelque chose de plus concret que tout les signes qu’elles avaient pu avoir jusqu’à présent. Chaque seconde qui s’écoulait sans que rien ne se passe devenait une source d’ennui grandissant pour Isabelle, la poussant presque à abandonner complètement cette séance de ouija. C’est alors qu’à ce moment précis, la goutte en bois se mit à glisser à une vitesse assez surprenante, comme si elle avait une destination bien définie. Isabelle la suivait des yeux, ne voulant manquer aucune lettre, aucun mot… Mais en vain. Tout cela semblait tellement dénué de sens. Elle poussa un long soupir empreint d’une déception évidente ; la situation prenait une tournure presque ridicule.

Au moment où Isabelle allait enfin lâcher l’affaire, le grincement métallique résonna à nouveau. Une ambiance devenant de plus en plus pesante et angoissante s’installait. Si un esprit était bien présent, il semblait jouer avec elles, et cette idée ne lui plaisait pas du tout. Les histoires qu’elle avait lu à propos des séances de ouija qui tournaient mal lui revinrent en mémoire, et elle ne voulait clairement pas que la situation dégénère à ce point. Soudain, la table sur laquelle était posée la planche s’éleva à quelques centimètres du sol. Ok. Là, elle était vraiment pas bien. Peut-être Isabelle avait-elle surestimé sa capacité à rester calme dans une situation comme celle-ci. Sa respiration commença à s’emballer, elle entendit la voix d’Esther, mais son esprit était ailleurs et elle resta silencieuse.

La table continuait de s’élever doucement, créant une atmosphère encore plus tendue. Instinctivement, Isabelle se leva en même temps qu’Esther, assurant que ses mains étaient toujours en contact avec la goutte, malgré son envie de la lâcher. « Attends tu flippes là ? Mais on faisait ça en cours. Tu veux qu’on arrête ? » Ces derniers mots résonnèrent dans son esprit, provoquant comme un déclic. Sans réfléchir d’avantage, Isabelle appuya violemment sur la table pour la forcer à revenir au sol dans un immense fracas. Tant pis pour l’esprit, qu’il aille se faire voir. Toutes les bougies s’éteignirent d’un seul coup au moment du choc, dissipant enfin toute sensation d’oppression.

« On arrête là. »