Premier cours de l’année, Adrien sait depuis le début des vacances ce qu’il va proposer à ses élèves. Ça fait un moment qu’il a envie de leur parler de sa fascination pour les petits champignons brillants qui se trouvent sous leurs pieds.
Bien sûr, ça implique qu’ils sortent du lieu de cours prédéfini par sa matière, à savoir la serre, mais il faut dire ce qu’il est : les cours d’herboristerie, depuis qu’il en a la charge, sont rarement dans la serre.
Et il faut le comprendre. Après tout, l’intérêt de sa matière, ce sont moins les gentilles plantes et fleurs inoffensives cultivées avec soin par l’école, non. Non, le vrai intérêt de sa matière, ce sont les herbes, les espèces, les racines qu’on trouve dans la nature. Des plantes et autres verdures que les élèves pourraient croiser tous les jours sans même le savoir.
Surtout qu’à ce niveau, pour certaines d’entre elles, ça revient à de la prévention qu’il en parle. Certaines de ces espèces sont juste naturellement et très facilement dangereuses, voire mortelles si l'on ne fait pas attention.
Alors, au lieu de leur interdire juste de s’en approcher, autant leur apprendre à s’en approcher avec le moins de dégâts possibles.

C’est l’idée pour aujourd’hui.

Puis les élèves qui se réfugient dans les souterrains pour faire des bêtises, il y en a. Autant qu’ils sachent où ils mettent les pieds.

C’est avec cette idée en tête, tout heureux d’enfin donner son cours, qu’il envoie une missive aux élèves concernés par son cours. Rien de bien compliqué, juste l’heure du cours avec le lieu de rendez-vous : entrée des souterrains, et le nécessaire basique pour le cours d’herboristerie : les gants et de quoi couper proprement des tiges ou des feuilles.

À l’heure donnée sur les missives, il est planté au point de rendez-vous, adossé sur la voûte qui mène aux galeries qu’ils vont explorer. À côté de lui, en lévitation, un livre. Dans sa main droite, sa baguette, qu’il tient — assez négligemment — entre son index et son majeur et qui tient le sort de lévitation en place. Dans son autre main, un sac rempli de plein de petits objets identiques qu’il est bien pressé de présenter aux élèves.
Un sort bien réalisé aurait été tout aussi efficace, mais il a découvert ces petites inventions créées par les sans pouvoirs il y a quelques années et il a très envie de voir ses élèves les porter.
Pour l’esthétique de la chose.

Les premiers élèves commencent à arriver alors, il se permet de commencer à prendre la parole et à expliquer rapidement ce à quoi ils vont avoir affaire.

« Bonjour et bienvenue à vous tous dans ce premier cours d’herboristerie de l’année ! Derrière moi, un endroit que certains d’entre vous connaissent probablement mieux que d’autres. Dans cet endroit, pleins de petits champignons, racines, mauvaises herbes et autres magnifiques espèces étonnantes dont vous ne soupçonnez sûrement pas l’existence. Et aujourd’hui, nous allons nous intéresser à l’un de ces beaux spécimens : les champignons soporifiques. Je vous en dirai un peu plus une fois à l’intérieur, mais en attendant, pour la sécurité de tous, merci de venir prendre une de ces petites merveilles dans le sac que je dépose par terre et de le positionner sur votre nez. »
Il pose le sac à terre, une vingtaine de pince-nez pas particulièrement confortables à l’intérieur. Il en prend un pour lui et se le met sur le nez. Lorsqu’il reprend la parole, sa voix est plus nasillarde, rappelant vaguement un bruit de canard. « À part si, bien sûr, vous voulez faire un petit somme de plusieurs heures, et j’entends par là de vingt-quatre à quarante-huit heures selon la taille des spores du champignon. » Il leur sourit et attend gentiment et en silence que tout le monde suive son exemple.

D’ordinaire, Maxence ne suivait pas les cours d’herboristerie ; toutefois, il aurait été stupide de s’en priver lorsqu’on lui en donnait l’occasion. Lorsqu’on aimait les potions, on ne pouvait échapper à l’étude des plantes qui entraient dans leur composition ; alors lorsqu’il constata que le premier cours du professeur Renard coïncidait avec l’une de ses heures de liberté, il prit son courage à deux mains et lui envoya une demande de participation par pigeon.

Lorsqu’il arriva à l’orée des souterrains, toutefois, il se demanda quelle mouche avait bien pu le piquer. Il n’avait jamais été un aventurier, et l’idée de s’enfoncer dans les artères labyrinthiques qui se déployaient sous l’école lui semblait aussi attirante que de se planter une aiguille rouillée dans la plante des pieds.

Perplexe, il se tint comme à son habitude légèrement en retrait, croisant les bras par réflexe, observant ses camarades en se demandant très sérieusement lequel serait le premier à tomber dans un trou et disparaître ce qui serait atrocement dommage n’est-ce pas. Son intérêt fut cependant chatouillé lorsque Monsieur Renard parla de champignons soporifiques, et une lueur de curiosité s'alluma au fond de ses prunelles. Des champignons soporifiques, voilà qui était intéressant… en se débrouillant bien, on pourrait s’en servir pour concocter des potions qui feraient office de somnifère et, qui sait, avec les bons dosages, on pourrait même orienter les rêves de celui qui y goûterait…

Mais en attendant, il était l’heure de revêtir l’un des pince-nez que leur proposait le professeur. Maxence en prit un à contrecoeur et le plaça sur son nez. Il détesta aussitôt la sensation que cela lui procurait, mais se garda bien de faire la moindre remarque. De toute façon, Poppy s’en était déjà chargé… et il fallait admettre qu’elle avait raison. Ca faisait mal. Et ce n'était pas très... euh... sexy. (Ils avaient même l'air tous complètement cloches.)

Il préféra tout de même reculer, restant soigneusement hors de la portée du regard de Poppy.