Il fait beau, les oiseaux chantent, la rentrée est passée et… tu n’as pas envie de décrire une scène d’exposition, l’heure est grave.

« Non, mais Marie, tu comprends pas. On était en soirée, avec les équipes du Botteballon et quelques Clairstellaires, et c’est là que Julie a vu Cerise renverser son verre de vin dans le décolleté d’Aline, après avoir appris que celle-ci s’est tapé Romain et Ferdinand au cours de la fête qui a célébré le dernier match de la saison. Ou un truc comme ça. J’ai pas compris toute l’histoire. Bref, ce qu’il faut retenir, c’est que Julie a tiré une gueule monumentale et que c’est là qu’elle a décidé de se venger en me roulant un patin devant Ferdinand. »

Le silence pourrait mettre mal à l’aise un moine.

« Donc, si tu pouvais expliquer à mon Announette d’amour que je ne suis qu’une victime dans cette histoire et que je n’ai jamais voulu m’embarquer dans un tango salivaire avec Julie, je t’en serai hyper reconnaissant. Non, vraiment, sérieux. » Marie continue à te fixer sans mot dire. « En plus, j’ai déjà subi les foudres de Ferdinand. Regarde, j’ai encore la trace du bleu ! » Et tu te penches un peu pour lui montrer sous la lumière l’endroit où ta joue a inopinément rencontré le poing de l’autre brute. La peau violacée ne semble pas émouvoir Marie. À croire qu’elle n’en a vraiment rien à faire de sauver le couple de sa meilleure amie. Quelle pote en carton ! « Aller, s’il te plait ! Je te revaudrai ça, promis ! » Elle se met à grimacer en fronçant les sourcils, et un horrible doute te saisit soudain. « Ne me dis pas que t’essaies de saboter mon couple parce que tu es jalouse de notre relation, quand même ? »

Sur ces mots, Marie lâche une exclamation indignée, tourne les talons, et s’en va comme un boulet de canon. Ah, t’as visé juste. La pauvre, ça devait être bouleversant pour elle de subir tes mamours avec son amie si elle était amoureuse de toi depuis le début. C’est que les filles sont des créatures jalouses, la preuve avec Anne. T’aimais bien ta copine, elle s’intéresse au Botteballon, comme toi, et elle rigolait toujours à tes blagues. Tu soupires : c’est dommage de la perdre comme ça, mais la vie continue. Une de perdue, dix de retrouvées, tout ça.

Au moment où tu relativises avec beaucoup de sagesse, une beauté comme on en croise rarement s’avance timidement vers toi. Tu sais que tu as la faveur des astres, mais cette fois, ils t’ont exaucé particulièrement vite, quand même. Elle te salue avec nervosité (c’est adorable). Tu lui réponds avec un sourire éblouissant : « C’est bien moi ! » T’attends la proposition de rencard, mais c’est une tout autre demande que formule la jolie brune.

Toute friponnerie quitte aussitôt tes traits et se voit remplacée par un sobre professionnalisme. On peut te reprocher ton sérieux sur de nombreuses choses, jamais sur quoi que ce soit en rapport avec ton don. Jamais. « C’est exact, en cartomancie, arithmancie, et d’autres formes de divination. » Tu n’as pas attendu les cours pour t’initier, puis te perfectionner. Ton don te confère une sensibilité naturelle à ces matières et facilite grandement l’apprentissage. En plus, ça te passionne. « Tu voudrais un tirage ? Il me faudrait quelques informations pour fixer un prix. » Tu balaies du regard tes camarades ; ils sont trop proches à ton goût. La discrétion est essentielle dans le métier. « Si tu veux en discuter en privé, je te suis. »

( Pando )