Une chanson douce; -- 08-09-1953 -
@Gustave larcher

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Les rondes de nuit lui faisaient l’effet d’une petite madeleine de Proust de ses années de carrière militaire. Une madeleine plus douce amère que veloutée et sucrée, mais un gateau beurré et bossu malgré tout, qui lui rappelait que malgré tout, il ne détestait pas le frisson qui précédait les marches nocturnes, les sens à l’affut, à la recherche du moindre mouvement suspects. Bien sur, une ronde après le couvre feu de l’institut ne revêtait pas la même sorte d’enjeu que celles qu’il exerçait autour du palais royal, presque toutes les nuits. Quand bien même il trouverait un ou deux petits resquilleurs dans les jardins, il n’y aurait pas mort d’homme et, clairement, il ne se mettrait jamais en danger pour partir à la poursuite des fuyards. Simplement, il pourrait profiter de la douceur du fond de l’air de cette fin d’été, de la clarté du ciel encore dégagé et, qui sait, d’une petite conversation avec les esprits qui occupaient encore par dizaines les recoins du château et de ses dépendances. Oui, il aimait bien les rondes de nuit, contrairement à d’autres collègues, il prenait la corvée avec beaucoup plus de plaisir que de contrainte.

Les mains dans les poches de son pantalon de laine grise, sa cigarette encore éteinte sur le bord des lèvres, il s’éloignait d’un pas tranquille de sa résidence pour rejoindre l’entrée du bâtiment principal. Il n’avait pas pris garde à l’identité de son binôme du soir, et qu’importait en réalité : il ne se sentait pas obligé de faire la conversation avec les plus taiseux, mais ne bouderait pas le plaisir d’un brin de causette avec les diseux, ce soir en tout cas, il était d’humeur amène. Tant mieux pour son vis à vis, dont il voyait la silhouette se détourer dans la lumière vacillante du lampadaire magique sous lequel il se tenait.

- Tiens, Larcher, bonsoir. Il semblerait que cela soit vous et moi, ce soir. A la bonne heure.

(c) mars.

Une chanson douce; -- 08-09-1953 -
@Gustave larcher

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- Pour l’instant, bien, nous verrons si cela se confirme pour la nuit.

Avait répondu l’enseignant, le ton léger, plus par rhétorique que veritable superstition : il lui était bien difficile de prendre l’exercice très au sérieux, considérant les enjeux d’une telle vigie, par rapport à celles qu’il avait pu exercer des années auparavant. Et puis, le fond de l’air était agréable, les nuages de l’automne ne masquaient pas encore tout à fait ni la lune, ni les étoiles, qui leur offraient une lumière naturelle argentée rendant chaque parcelle du domaine un peu plus mystique encore. Avec un peu de chance, ils croiseraient plus d’âmes de passage que d’âmes qui vivent lors de leur veillée, et il pourrait compter au jeune Larcher les exotismes que pouvaient lui confier les esprits qui venaient à sa rencontre. Il y avait là souvent matière à échanger pendant de longues minutes, quand le silence de leur labeur devenait pesant.

- Je vous suis, l’ami.

Dans l’aile du serpentaire, la cour des mirages était un lieu parmi les plus magiques du château. Dans la nuit, il revêtait un aspect enchanteur et, il fallait y convenir, les illusions qu’il produisait pouvaient rendre la présence d’étudiants plus complexe à débusquer. Néanmoins, leur venue aussi était moins facile à anticiper, parmi les ombres et lumières qui évoluaient au bon vouloir de la structure elle-même.

- La doyenne est elle satisfaite de son corps professoral ? C’est qu’il y a eu du mouvement, cette année.

De nouveaux enseignants, un nouveau maitre pour la maison du feu, le secrétaire avait du en entendre parler, en bien comme en mal : l’homme, bien que double centaure, avait en lui les inclinaisons du grapcorne en étoile maitresse. Bixente se doutait alors que le changement ne devait pas être spécialement son Forte, malgré ses capacités d’adaptation remarquables...

(c) mars.