TW : mauvaise mention de problèmes psychiatriques potentiels, connerie profonde, modification de souvenirs forcés.
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25 Août 1935
“ -
Linette, nous rentrerons tous vers vingt-trois heures. Son cousin et sa cousine sont dans l’autre aile du château avec leurs nourrices respectives. Il a joué toute l’après-midi, il ne devrait pas trop faire de bêtises et est probablement déjà fatigué, donc le mettre au lit ne devrait pas être un problème.”
Il ne fut jamais mis au lit. Pas ce soir-ci en tout cas.“ -
Jeune Seigneur D’Ornessan, soyez raisonnable. Il est l’heure d’aller vous coucher. Vos parents ne vont pas tarder à rentrer, et ils ne seront pas contents si vous êtes encore debout.-
Non ! Il lui tire la langue. Il sait que c’est pas poli mais c’est pas grave, après tout, c’est qu’une domestique.
-
Mr Bohort, si vous n’allez pas vous coucher, je pourrais avoir de sérieux problèmes.-
Bien fait ! Ça apprendra à ses parents à partir alors qu’il a besoin d’eux.
-
Ils risquent aussi de vous punir, vous savez ?”
Pour Bohort, c’est trop. La frustration, la colère monde. Un petit démon terrible qu’il n’arrive pas à contrôler. Il cri. Fort. Assez fort probablement pour réveiller toute l’aile et tous les domestiques y résidant qui n’étaient pas indispensables à la soirée des adultes.
“ -
T’ES MOCHE ! J’TE DÉTESTE !”
Tout se passa rapidement. Trop rapidement pour que quiconque ne puisse intervenir.Des flammes gigantesques lui collent à la peau. Il a mal. Il pleure. Puis ça sent le brulé, le roussi. Comme quand sa mère essaye de cuisiner mais qu’elle ne réussit pas son charme de température.
Il a du mal à respirer. Il voit trouble. Il voit gris. La terre tourne autour de lui. Les murs aussi. Et le plafond.
Même si le plafond semble caché par quelque chose.
Il sent un poids sur lui, mais le poids est pas juste lourd, il est chaud. Pas chaud comme les flammes qui sont autour de toute la moitié de son corps. Non, chaud comme un air d’été en canicule. Une très, très, très chaude canicule.
Y’a aussi des cris, beaucoup de cris.
Du froid tout d’un coup. Du mouillé. Des pleurs.
De nouveaux cris. Là où les précédents étaient appeurés, ceux ci sont colériques. Haineux, presque.
Bohort peut pas bouger. Il peut pas regarder d’où viennent les cris. Il sait juste que l’un d’entre eux est celui de son Papi Eugène. Il hurle à la mort.
Il essaye de chercher à distinguer les cris de ses parents, mais perd connaissance.
Il ne sut jamais ce qu’il s’était passé.10 Septembre 1937
“ -
Bonne nuit, fils.-
Bonne nuit, père.”
Il est à peine vingt-et-une heures, la nuit est déjà tombée mais la lune n’est pas encore clairement visible dans le ciel sombre. Son père ferme la porte de sa chambre après avoir éteint la lumière et le laisse dans l’obscurité noire. Bohort n’a pas peur du noir. Ça n’a jamais été un problème pour lui, de dormir seul ou sans lumière. Il a juste toujours préféré le bruit au silence, prétextant inconsciemment toujours un mal de ventre pour partir plus tôt des soirées mondaines et pouvoir s’endormir au son des convesations bienséantes des étages inférieurs.
Cette nuit, pas de soirée mondaine. Il a été se coucher tôt. Il n’y a aucun bruit dans la demeure. Il sait que ses parents vont se coucher dans quelques minutes et cherche à tendre l’oreille pour les entendre, mais rien.
Il ferme les yeux avec résilience et essaye de laisser le sommeil s’emporter.
Une minute.
Dix minutes.
Cinq minutes.
Ou vingt.
Après tout, comment il peut savoir ? L’heure, le temps qui passe, est pas facile a devinée dans le noir, sans aucun bruit aux alentours.
Alors y’a bien le vent dehors, qui souffle fort. Vraiment fort.
Le sommeil semble finalement accepter de venir lui rendre visite et de l’emporter avec lui.
Merci Merlin.
Ça fait mal. Il crie. Sa voix n’est pas la sienne. Ses yeux ne s’ouvrent pas. Il ne semble plus avoir aucun contrôle sur son corps. Son corps ? Non. Non, ça c’est pas son corps. Il sent que la couverture sur lui n’est pas du tout au bon endroit. Il se sent aplati par elle. Elle l’écrase. Il a du mal à se débattre. Il a du mal à respirer, à trouver le moyen de sortir de cette grotte de tissu et de plumes. Il va mourir, sous cette couette, et personne ne le retrouvera jamais parce qu’il a l’impression qu’il est devenu microscopique.
Il continue à bouger, pourtant. Il sent, dans ses jambes, ça lui fait mal. Il a l’impression que ses os rétrécicent. Il a l’impression que ses doigts de pieds se collent. Il essaye de les bouger, de les décoller, mais le moindre mouvement qu’il essaye de faire de lui-même lui déclanche une douleur… Une douleur qui lui rappelle les brulures d’il y a deux ans, quand sa nourrice l’a laissé s’amuser trop proche du feu par inattention.
Il a l’impression que ça dure une éternité. Il a l’impresison que ça fait des heures qu’il crie et qu’il essaye de se débattre.
Il respire plus. Il essaye, il se force, mais il a l’impression d’avoir utilisé tout l’air et que sa couverture ne laisse plus rien passer.
Peut-être aussi qu’il panique. Ce serait légitime.
Il arrête de crier, finalement, gémit. Il va mourir ici, écraser par sa couette. Mort à la con.
“ -
Bohort ? Fils ? Qu’est-ce qu’il se passe ? Son père a l’air paniqué. Presque autant qu’il ne l’est lui. Il va jamais le retrouver sous sa couverture.
-
Laramie, où est Bohort ? Où est-il ? Pourquoi il n'est pas dans son lit ?”
Bohort a envie de crier, de leur dire qu’il est là. Mais il peut pas ouvrir les yeux, il y arrive pas. Ça lui brule les rétines lorsqu’il essaye, même alors qu’il est sur qu’autour de lui, il fait nuit. Il fait noir.
Il tend l’oreille, entend étonnement facilement un autre bruit de pas qui approchent, puis finalement la voix de son grand père.
“ -
Je peux savoir ce que c’est que ce foutoir ? Qu’est-ce qu’il a, votre fils, à hurler à la lune, comme ça ?”
Il a mal. Et il a peur. Voilà ce qu’il a. Il fait l’effort, d’ouvrir la bouche pour leur montrer sa présence. Leur dire qu’il est là. Qu’il a mal. Qu’il a besoin d’aide. Qu’il va étouffer.
Mais le bruit qui sort de lui n’est pas sa voix. Et ce n’est pas des mots, non plus.
Un gémissement tout au plus. un glapissement.
Il relève la tête de surprise. Se recule de peur. Peur du bruit. Comme si se reculer allait l’éloigner de lui. Alors que c’est de lui qu’il vient, ce bruit.
Il entend les trois paires de pieds s’approcher. C’est sa famille. Ça le rassure. Oh. Ils vont le libérer de la couverture. Et ils vont lui soigner les yeux et les douleurs. Lui faire reprendre sa forme normale, qu’importe ce qui l’a fait rétrécir. Et tout ira mieux.
Et s’il sent qu’il est différent, il l’ignore.
Parce que Papi Eugène règlera de toute façon tout. Tout comme il a réglé le problème avec la famille de sa nourrice y’a quelques mois en les jetant à la rue quand ils ont commencé à dire des mensonges à tout le monde.
La couverture finit, après ce qui lui paraît être des heures, par se soulever. Il ouvre les yeux, enfin. Parce qu’il veut qu’ils voient qu’il est là. Qu’il est pas toujours endormi, qu’il fait pas juste un cauchemar. Et ses yeux lui brulent.
Sa mère crie, d’horreur. Son père s’exclame sans rien dire de vraiment compréhensible.
C’est papi Eugène qui réagit et met des mots sur ce qu’il ressent.
“ -
Manquait plus que ça… Voilà que votre fils a adopté un renard.”
Et si la phrase paraît innocente, la façon dont il la dit et les regards de pitié (et de dégoût) au petit déjeuner le lendemain matin lui montrent qu’elle ne l’était pas.
12 Août 1941
Bohort marche dans les couloirs du grand château dans lequel il vit. Il a finit son petit déjeuner il y a quelques minutes et doit retourner à sa chambre pour s’habiller et commencer sa journée de devoirs. Des tuteurs dans toutes les matières principales à connaître avant Beauxbâtons, quelques heures d’abraxans et trois heures d’un cours ajouté de bonne manières, seulement pour lui, parce que ses parents le trouvent réticents à les comprendre et à les appliquer.
C’est pas vraiment ça, le problème.
Il comprend juste pas pourquoi il a besoin d’être poli face à des gens qui ne semblent pas l’être avec les autres.
Sa mère essaye de lui faire comprendre que c’est une question de rang, qu’ils sont supérieurs à ceux qui ne vivent pas dans le château, supérieur à ceux qui les servent. D’accord. Mais lui, il est du même rang que ceux qu’il est censé respecté, et eux, ils le respectent pas pareil.
Ses parents ont essayé de lui faire croire que c’était parce qu’il était jeune, que c’était un enfant. Mais il sait, Bohort que c’est pas ça. Papi Eugène respecte parfaitement plus Lancelot qu’il ne le respecte lui. Et c’est un enfant aussi.
“ -
Chuuuut, faut pas que quelqu’un nous voit.”
Bohort s’arrête lorsqu’il entend la voix douce et chuchotée. Il entend un rire derrière la voix, comme si la personne souriait.
Lorsqu’il se remet à avancer, il marche tout doucement, faisant attention à ne pas faire de bruit. Il ne sait pas pourquoi la voix l’intrigue, ni ce qui le pousse à aller voir d’où elle vient ou à qui elle appartient, mais il l’est, intrigué. Alors il continue à avancer, doucement, lentement, jusqu’à arriver au croisement entre le couloir qui mène aux salles d’eau et celui qui mène à sa chambre. Au pire, s’il est pris en flagrant délit d’espionnage, il pourra toujours dire qu’il allait dans sa chambre pour se changer.
Ce qu’il devrait être en train de faire, d’ailleurs.
“ -
J’aime pas qu’on ait à se cacher…”
La voix est celle d’un homme, cette fois ci. Il ne sait que très peu de choses des maux de l’Amour, Bohort, mais il sait que ses parents s’aiment. Il sait aussi, parce qu’il a apprit les règles du château, que les domestiques sont pas censés avoir des histoire entre eux. Et que si c’est le cas, c’est - évidemment - pas censé être en public ou à des endroits où des enfants, comme Bohort, peuvent les trouver.
Comme c’est le cas ici.
Il passe la tête à l’ange du couloir et observe.
Du haut de ses dix ans, il comprend que leurs mains attachées de cette façon et leurs corps presque dénudés prouve bien une forme de relation entre eux. C’est la première fois d’ailleurs que Bohort voit le haut du corps d’une femme.
C’est d’ailleurs elle qui le voit en premier. Elle crie, se rhabille le plus rapidement possible et se tourne vers lui en baissant les yeux au sol. De la honte, probablement. Il s’est pas caché Bohort. Il sait que dans ce château, des trois personnes présentes, il est celui qui a l’ascendant.
“ -
Mr Bohort… Je suis confuse…”
Il essaye de comprendre pourquoi elle parle avec cette voix. Une voix qui tremble. C’est pas que de la honte. Lorsqu’il regarde l’homme, il voit que c’est tout son corps, qui tremble. Il a pas honte d’avoir été découvert dans cette position. Il a peur de ce que Bohort va faire de cette information. Et probablement à raison. Bohort est pas connu comme étant le rejeton le plus sympa avec les domestiques.
Il est pas vraiment méchant avec eux, on lui a juste, très tôt, fait comprendre où était leur place par rapport à lui. Et Bohort a apprit, comprit et mis en application la leçon, c’est tout.
C’est quelques semaines plus tard, lorsqu’il a commencé à leur demander de lui amener des desserts en plus dans sa chambre qu’il a compris le pouvoir que ça lui conférait. De savoir des choses sur les gens que les autres ne savent pas. Que les gens veulent cacher à tout prix.
Son prix, à l’époque, c’était des desserts supplémentaires.
10 Juin 1942
Les cris de joie de Bohort et les rires un peu gênés de sa cousine résonnent dans l’aile de la première branche du château des d’Ornessan. Assez loin de l’aide de Papi Eugène pour qu’il ne vienne pas les interrompre, mais assez proche de la chambre de Lancelot pour que la farce que Bohort a mis au point fonctionne. Lancelot est parti avec la famille en ville. Un truc d’héritier, d’après ce que Bohort a compris. Papi Eugène a une grippe donc il est resté au lit.
Bohort et la petite soeur de Lancelot sont donc tous les deux, juste avec leurs nourrices et autres membres du personnels, au château.
“ -
Bohort, je ne suis pas sûre que…-
Roh, détends toi cousine, personne saura jamais que c’est nous.”
Elle finit par arrêter d’essayer de l’arrêter. Tout le monde sait que c’est inutile. Le seul qui réussit à arrêter Bohort dans ses bêtises est Papi Eugène, actuellement au lit avec une maladie carabinée.
Quel dommage.
En courant, il passe devant ses deux membres du personnel préférés, devenus bien plus des frères et soeurs de substitution que des personnes qu’il menaçait pour de la nourriture, en un an. De toute façon, ils sont plus amoureux depuis quelques mois, donc il aurait plus rien pour les faire chanter. Il leur tire la langue en passant devant eux comme une fusée, la cousine essayant de le suivre, ses jambes plus petites, et son envie de courir clairement moindre.
Lorsqu’il arrive à la chambre de son cousin, il sort de sa poche le piège. Il a plus qu’à trouver un moyen de le mettre en place.
Il regarde autour de lui, rapidement. Une chaise, un tabouret, une échelle. N’importe quel truc sur lequel il pourrait monter ferait l’affaire.
C’est sa cousine qui finit par lui apporter une chaise.
“ -
Ahah ! Je savais que t’y prendrais goût. Il dit, avec un sourire en coin, bien trop fier de sa bêtise et de sa mauvaise influence.
-
Nan, j’trouve toujours ça débile. Mais je veux qu’on parte le plus vite possible.”
Il monte sur la chaise, place le piège, redescend, range la chaise et se remet à courir. En quelques minutes, il a refait tout le chemin vers sa chambre à lui, déposant sa cousine au passage.
Il est pas surpris le soir, lorsque Lancelot arrive en retard au repas. Il semble sortir de la douche, et Bohort a du mal à garder un visage neutre.
Et si tout le monde le regarde quand même, sachant pertinemment que quoiqu’il s’est passé, ça doit être de sa faute, il ne le prend pas en compte et continue de manger.
4 septembre 1944
Lorsque il rentre pour la première fois dans l’école, il sait qu’il va y passer les meilleurs moments de son existence. Il sait pas comment, pourquoi, ni avec qui, mais il sait que ça va être parfait. Un tout nouveau monde à explorer. De nouveaux murs à longer, de nouvelles farces à monter, de nouvelles bêtises à trouver. De nouvelles choses à apprendre, aussi.
Il a pas mal discuté avec Georges et Suzanne avant de partir. Ils se sont remis en couple. Bohort est heureux pour eux. Il leur a promis qu’il dirait rien à Papi Eugène. Après tout, il se sentirait bien seul sans eux dans le château.
En discutant donc, avec eux, Georges a commencé à lui parler de philosophie. Il lui a dit qu’il était probablement encore trop jeune pour comprendre. Et comme à chaque fois que quelqu’un lui dit ça, Bo a insisté pour qu’il lui en dise le plus possible. Pas qu’il soit particulièrement avide de savoir, non. Il supporte juste être mis de côté des choses d’intérêt par les gens qu’il considère d’intérêt. Il considère Georges comme étant quelqu’un d’intérêt.
Georges lui a apprit à aimer apprendre. À s’intéresser aux choses, et pas juste aux secrets des autres.
C’est donc avec une valise remplie de livres déjà annotés et lus des dizaines de fois, toujours pas compris pour autant, qu’il débarqué à Beauxbâtons.
Il sait que ça veut aussi dire qu’il va se faire répartir dans un élément. Au vu de son caractère, tout le monde, sauf Suzanne, est persuadé qu’il sera dans l’élément feu. Suzanne mise sur l’eau. Elle pense que sa loyauté envers sa famille, et même envers Georges et elle, que les pleurs qu’il a laissé échappé lorsqu’elle est revenue un jour d’une remontrance avec des marques sur la peau, que sa prise de conscience envers les regards parfois triste, parfois de dégoûts de son Papi Eugène envers lui, justifieraient un placement dans l’élément de l’eau.
Bohort n’a pas d’avis. Il aimerait aller dans l’élément du feu, il trouverait ça stylé. Mais l’élément de l’eau ne serait pas forcément une mauvaise idée pour lui.
Lorsque la répartition arrive et que c’est son tour, la sphère entre les mains, il la sonde, comme il suppose qu’elle le sonde. Il ne s’attend pas à voire autre chose que du feu ou de l’eau, pas que ça aurait été possible de toute manière, au vu de ses circonstance de naissances.
Lorsque finalement, le globe s’anime de vagues, il sourit. Légèrement déçu, mais légèrement fier à la fois, il pense à Suzanne et au pari qu’elle a fait avec Georges. Il ne sait pas quel était leurs gages ou demandes si l’un ou l’autre gagnaient.
Et à y réfléchir, peut-être préfère-t-il ne jamais le savoir (pour une fois).
La sphère rétrécit, les vagues toujours grondantes à l’intérieur, et il place le pendentif très calmement autour de son cou. Avant de se diriger, beaucoup moins calmement, courant presque entre les élèves, pour aller rejoindre une table ou aller s’assoir.
Il attend plus qu’une chose.
Que l’année commence.
30 octobre 1944
Beauxbâtons est génial. Pour les vacances, il n’avait presque pas envie de rentrer au château. Il ne s’est pas encore fait particulièrement beaucoup d’amis, mais il a retrouvé Lancelot et leurs stupides batailles de farces. Il a rencontré ses professeurs, et est devenu, assez rapidement, leur pire cauchemar. Pas leur meilleur élève, loin de là, mais un des plus intéressés par leurs paroles. Il sait parfaitement qu’il les ennuie. Il pourrait être un bon élève, il est intéressé par les cours.
C’est juste qu’il l’est encore plus par ce qu’il pourrait faire pour déranger les cours.
Il s’est fait remonter les bretelles par Papi Eugène lorsqu’il est rentré. Bien sûr. Quelque part, Papi Eugène n’a jamais été très dur avec ses petits enfants. Et des trois, il l’est le plus avec Lancelot, probablement parce que c’est l’héritier. Il l’est aussi plus avec la cousine, moins avec Bohort. Il n’aime pas réfléchir trop aux raisons qui pousse son grand père à presque l’ignorer.
Georges pense que ce serait une bonne idée qu’il y réfléchit. Suzanne lui a dit cash, sans vraiment prendre de pincettes que ça avait probablement un lien avec son renard.
Ils sont les seuls au courant de cette histoire. Ils savent ce qu’il s’est passé, sont là les matins lorsqu’il se réveille, nu, effrayé de la nuit qu’il vient de passer.
Il pleure dans les bras de Suzanne et est rassuré par la voix grave et apaisante de Georges.
Georges vient de le laisser à un coin de couloir avec des mots rassurants et amicaux et Bohort s’approche de la salle à manger pour prendre son petit déjeuner lorsqu’il entend des voix chuchotées. Il s’arrête. Reconnaît vite la voix de ses parents. Et de Papi Eugène.
“ -
J’ai vu, oui.-
Il s’est attaché à eux… S’ils savent la vérité…-
Et comment veux-tu qu’ils la sachent. Ils n’étaient même pas encore arrivé à cette époque. Papi Eugène semble énervé contre sa mère. Ou contre le monde entier, peut-être.
-
Père, j’ai juste peur de la réaction de Bohort s’il apprenait ce qu’il s’était passé ce soir là. Ce soir là ?-
Et comment l’apprendrait-il ? Comptez-vous le lui dire ? Un silence, probablement une réponse physique.
-
Bien, j’ai à faire.”
Bohort se cache derrière une porte alors que Papi Eugène sort de la pièce. Il n’y rentre pas directement, reste caché, attendant avec impatience que ses parents se remettent à parler. Parce qu’ils vont se remettre à parler. Il les connaît. Après une discussion comme celle-ci, impossible pour eux de ne pas se mettre d’accord sur une marche quelconque à suivre.
Lorsqu’ils se remettent à parler, finalement, Bohort écoute. Il enregistre les informations, unes par unes. Il pleure, sans forcément s’en rendre compte. Il regarde le sol, dégoûté. De lui. D’eux. Du mensonge.
De l’hypocrisie.
Il n’en parle ni à Georges ni à Suzanne, assez grand pour comprendre que de leur en parler les mettrait en danger. Il pleure juste, réconforté par les mot de l’homme et les bras de la femme.
Le lendemain, il leur en parle. Il leur dit qu’il leur en veut. Il leur demande des explications, des raisons, des comptes. Ils essayent de lui expliquer, de lui dire que sans eux, ils auraient eu des soucis, il aurait eu des soucis, lui, particulièrement. Ils ne comprennent pas que ce n’est pas une raison suffisante pour avoir gâcher la vie de gens innocents. De gens qui étaient dévoués à leur famille.
De gens qui venaient de perdre une fille alors qu’elle essayait juste de lui sauver la vie.
31 octobre 1944
La journée était tendue, et le repas ce soir semble partir dans le même ton. La table habituelle a été transfigurée. Papi Eugène a pretexté une envie d’être plus proche de ses petits enfants. D’habitude rectangulaire avec Papi Eugène au bout et tous les autres sur les côté, elle est aujourd’hui ronde et tous autour semblent presque être une famille heureuse.
Ils le sont en soi, heureux, c’est juste que la tension est évidente, et si la première branche de la famille ne le sent pas forcément, Bohort lui, ne sent que ça. Il en veut à ses parents, il en veut à son grand-père.
Il s’en veut, aussi un peu.
C’est pas vraiment de sa faute, il était petit et les premières magies sont connues pour être incontrolâbles, mais s’il avait sû, il aurait pu faire plus après avoir grandit. Il a jamais sû.
Maintenant, il sait.
Et il maintient le regard de son Papi Eugène pour lui faire comprendre sa résistance. C’est impoli. C’est presque vulgaire pour lui, de se comporter de cette façon. Mais il doit faire comprendre au chef de famille que de lui mentir comme ça, de lui faire croire qu’il n’était qu’une victime dans l’accident qui lui a couté son côté gauche du corps et du coup, probablement, sa malédiction maintenant qu’il y pense, ce n’était pas quelque chose qu’il laisserait passer. Il allait se battre pour rendre la justice à cette famille de domestique. Même si ça devait lui couter sa réputation.
Il entend ses parents parler à côté de lui, et il se concentre sur la conversation. Ils semblent discuter de ses frasques à l’école et demander à Lancelot de le surveiller de loin pour éviter, au moins, qu’il ne se fasse renvoyer. Il ne quitte pas son grand père des yeux.
Ils demandent à Lancelot comment se passe sa scolarité et s’il a déjà rencontré des amis. Si Bo a déjà rencontré des amis. Lancelot ne sait probablement pas quoi répondre. À Beauxbâtons, ils ne sont pas si proche que ça.
“ -
Bo, dis nous tout, as-tu beaucoup d’amis ?”
Il se tourne vers sa mère, un peu confus. Dans son esprit, un brouillard, comme s’il avait quitté son esprit quelques secondes avant d’y retourner, appelé par la voix de sa mère.
Il ne voit pas son grand père hocher la tête avant de replonger sa cuillère dans le repas.
“ -
Ouais… Quelques uns. Ils connaissent surtout mon nom. Puis beaucoup aiment bien mes cicatrises. Ils me demandent presque tous comment je les ai eu, où, et tout ça.-
Et tu leur dis quoi ? Son père a l’air incertain. C’est rarement, voir jamais le cas.
Bizarre.-
Bah la vérité ? Que ma nourrice était vraiment pas douée et qu’elle m’a laissé aller jouer près du feu. Je devais pas ?-
Bien sûr que si, mon fils.”
La conversation est bizarre. Et elle semble titiller quelque chose dans sa tête. La sensation part bien vite cependant, alors que Papi Eugène reprend la parole pour parler des nombreux rendez-vous du père de Lancelot de la semaine suivante.
10 Décembre 1944
Qu’est-ce qu’il est fier de leur connerie, le con.
Il l’a pas fait seul, non non. Y’a un fille, deux ans son aînée, qui l’a aidé. Plus que ça, il a un peu l’impression qu’elle le forme. Qu’elle l’a pris sous son aile.
Il pourrait tomber amoureux d’elle, plus tard. Elle a tellement la classe. Une vraie classe, c’est incroyable. Puis elle est drôle. Hilarante, même. Et elle a pas peur. Elle a l’air de s’en foutre, de se faire renvoyer. Et Bohort trouve ça dingue.
Elle l’appelle Bo. Et il souhaite plus que tout que tout le monde l’appelle Bo.
Ils courent tous les deux, à travers les couloirs de Beauxbâtons, et finalement ils s’arrêtent. La pionne passe à côté d’eux, sans faire de bruit. Et ils ricannent, les cons.
Au bout du couloir, quelques secondes plus tard, ils entendent un
boum tonitruant qui les fait exploser de rire. Pauvre pionne.
Ils finissent pas sortir de leur cachette lorsqu’ils sont sûrs que la voie est libre. Au bout du couloir, la pionne, par terre, semblant se battre contre un poids insurmontable invisible. Eux le savent, qu’elle n’a probablement aucune chance de sortir de là sans aide. Au dessus d’elle, des chaises, quelques tapis, puis une armure aussi. Tous sous un charme de désillusion envoyé par la plus âgée d’entre eux.
Il a eu l’idée, elle l’a mise à éxécution.
Il se sent pas vraiment mal pour elle. Après tout, il l’aime pas vraiment beaucoup, et il sait qu’à part lui mettre des retenues, elle a pas vraiment de pouvoir. Puis c’est amusant, faut dire, de la voir se débattre contre quelque chose d’invisible. Parce que si eux, ils savent ce qu’il se passe réellement, ce n’est pas le cas des autres élèves qui passent actuellement à côté d’elle.
Il n’est pas plus surpris que ça lorsqu’il est convoqué par son maître d’élément le soir même, il l’est lorsqu’il apprend que Sophie s’est dénoncé pour eux deux, prenant la responsabilité de l’idée et de l’éxécution. Comme quoi il l’aurait juste suivi pour être sûr que personne ne soit réellement trop blessé.
Pas que quiconque l’ait cru.
Mais c’était gentil à elle d’essayer.
Ce n’est pas le première ni la dernière frasque qu’ils furent ensemble.
Et si entre deux frasques, ils se retrouvaient parfois dans des alcôves pour partager les premiers baisers de Bo, personne n’avait de le savoir.10 Janvier 1945
Il est en plein tournoi amical d’échec et il gagne toutes les parties. Si on lui demande, évidemment qu’il ne triche pas. En réalité, il a juste de très bons moyen de distraction et a tendance à jouer avec des gens qui se concentrent pas assez pour retenir l’emplacement des pièces du tour précédent.
“ -
Je peux ? La voix est inconnue, mais Bo ne refuse jamais un challenge.
-
Je t’en prie.-
Je m’appelle Léandre. Toi ?-
Tu me connais pas ? Surprenant. Mes cicatrices sont connues pourtant, fierté mal placée et mon nom de famille l’est aussi. Il sourit, le con.
Bohort. Bohort d’Ornessan. Quelque chose passe dans le regard du garçon en face, Léandre mais Bo cherche pas à comprendre quoi.
-
Je vois. Jouons ?-
Allez. T’es prêt à perdre ?”
Il était pas prêt à perdre, Bo. Léandre était concentré, aucune distraction n’avait fonctionné, et Bo, comme toujours quand il doit jouer justement, avait perdu.
“ -
Désolée. J’suppose qu’on peut pas toujours gagner dans la vie.-
Ouais, je suppose. Ravi de t’avoir rencontré en tout cas. Il le pense. Léandre lui donne la même vibe que Sophie. Il l’aime bien.
Même si faut plus compter sur moi pour jouer aux échecs contre toi.-
T’inquiète pas va ! Il sourit, il rit presque. Mais Bo sent qu’il y a un truc derrière, il sait juste pas déterminer quoi.
C’est normal que tu t’en sortes pas aux échecs. T’es habitué à jouer avec des bonus de départ.”
Bo rit. Il comprend pas tout de suite, l’imbécile. Léandre sourit, presque triste de l’insouciance et l’apparante naïveté du garçon face à lui.
Interlude : 5 ans
Les années passent, les gens aussi.
Suzanne et Georges se font renvoyés quelques mois plus tard, après avoir été découvert par Papi Eugène. Bo essaye de garder contact avec eux, mais c’est compliqué. Au bout de deux ans, il ne reçoit plus de lettres à ses pigeons. Il s’inquiète mais n’en parle à personne. La crainte qu’il leur soit arrivé quelque chose le fait réfléchir à ce qu’ils deviennent, leurs domestiques, une fois au dehors de leur protection. Il continue à s’endormir avec les livres de Georges et parfois, il pleure, inquiet pour eux.
Léandre et lui se rapproche alors que Sophie et lui s’éloignent. Elle semble jalouse de leur amitié naissante et il le comprend. Léandre le fait réfléchir, le fait rechercher des choses auquel il n’a jamais pensé, qui ne lui sont jamais venu à l’esprit. Ils parlent de Georges et Suzanne, et Léandre semble surpris de cette amitié étrange. Il lui dit à demi mot qu’il ne le pensait pas capable de devenir pote avec “l’aide”. Bo ne se sent pas insulter. Lorsqu’il lui explique comment c’est arrivé, Léandre rit. Fort. Lève les yeux au ciel et se pleint de “ces riches, tous les mêmes”.
Sophie reste sa première expérience qui se rapproche de l’amour, mais il n’est pas amoureux d’elle. Il tombe amoureux d’un garçon, un ami à Léandre. Ce n’est pas réciproque. Il apprend qu’aimer, ça peut faire mal. Il se réfugie dans les bras de Léandre qui l’y accueille comme un ami, comme un amant. Mais ils ne s’aiment pas. C’est juste une safe place. Un réconfort.
Il cherche des secrets, des potins, des trucs à raconter ou à utiliser. Il rit, parle, apprend et retient. Cave de connaissances sur le vie de ses camarades, il n’utilise pas tout pour son propre intérêt. Pas dans l’immédiat. Pas directement.
Il rencontre Sohalia. Mais c’est une autre histoire pour un autre jour.
Il rencontre Lys, et il rit.
Il cherche des livres que Georges auraient pu lui conseiller et il les lit. Il passe ses soirées à la bibliothèque pour se renseigner sur sa malédiction. Il apprend à réfléchir à la philosophie, il choisit ses cours en conséquence.
Il apprend à aimer la vie plus sérieusement. Tout en restant le petit con que ceux qui le connaissent aiment.
16 Mai 1950
Il est assit dans la librairie quand ça arrive. Comme à son habitude. Un livre dans les mains, il sent son estomac se nouer. Il ferme les yeux, inspire un grand coup, et souffle, blasé de la situation. Comme chaque nuit où ça arrive. Il s’y est habitué. Il a accepté que ça faisait parti de sa vie. Mais quand ça arrive, comme ce soir là, en plein milieu d’un thriller, alors qu’il va découvrir le nom du tueur. La poisse, quoi.
Quelle malédiction de merde.
Il se lève et marche tranquillement vers la sortie. D’abord de la bibliothèque, puis du bâtiment. Il a apprit à se cacher des regards, surtout de ceux des délégués. Il en voit quelques uns passer mais les évite habilement. Il a le temps. Il sait qu’il a le temps. Depuis toutes ses années, il a apprit à voir les signes avant-coureur. Et s’il ne sait jamais en se réveillant le matin, s’il va se transformer la nuit, ni en quoi d’ailleurs, il le sait toujours cinq à dix minutes avant sa transformation, probablement parce que ses organes commencent déjà à se transformer.
Dehors, il s’assoit par terre, caché des fenêtres, des portes et de tout accès ou vue qu’il pourrait y avoir sur l’éxtérieur. Il ne peut laisser personne le voir dans cet état. Sa famille est déjà au courant, ainsi que Georges et Suzanne, c’est déjà largement suffisant.
Lorsque la transformation prend effet et que les choses commencent vraiment par bouger, il souffre. Et pas qu’un peu. Les brûlures, enfant, c’est quelque chose. Mais ça, c’est totalement différent. Déjà, il s’est fait brûlé qu’une seule fois. Ça, c’est récurrent. Il ne compte plus le nombre de fois que ça arrive par mois. Il n’essaye même plus de trouver de logiques à comment ou pourquoi ou quand ça arrive. Il a juste envie que ça s’arrête.
Il ne crie pas. Il a apprit à ne jamais crier. Trop peur qu’on l’entende. Au début, il se lançait des Silencio. Mais ils finissaient toujours par s’annuler lorsque sa concentration se perdait trop dans la douleur.
La douleur finit par s’apaiser. Il ne saurait dire si une heure, deux heures ou juste trois minutes sont passées. Il baisse la tête et observe. Des pates. Il tourne la tête. Quatre pates. Pas d’ailes,
surprenant. Des pates blanches. Mais un corps majoritairement orange. Il sort sa langue, seul moyen pour lui d’essayer de constater ce qu’il se passe au niveau de son visage, trop peur de lever une pate, de peur de se ramasser par terre. Un rebond directement au dessus de sa bouche. Un museau plutôt allongé, il semblerait. Un endroit de son museau clairement d’une matière différente du reste. Et des… poils ? Des vibrisses ? Une sorte de félin ?
La flemme le prend rapidement et il décide de bouger. C’est assez naturel. Bien plus que lorsqu’il doit voler. Il décide d’aller vers le lac. Avec un peu de chance, il verra sa réflexion dans l’eau.
Il est pas déçu.
Un renard.
Bah. C’est toujours mieux que le corbeau ou le hibou.
Puis faut avouer que ce serait mentir de dire que ça lui convient pas.
6 Juin 1950
“ -
Ça fait un bail qu’on a pas parlé de Linette, t’as pu parler à tes parents ? Il a l’air frustré. Bo comprend pas trop pourquoi.
-
Linette ? Pourquoi je parlerais d’une Linette à mes parents ? Puis c’est qui, Linette ?
Un silence. Un long moment. Il le scrute, Bo.
-
Je sais pas si t’es sérieux. Mais si c’est une blague, c’est vraiment pas drôle.-
Léandre, j’vois vraiment pas de quoi tu parles…-
Attend… Attend, t’es sérieux là ?-
Oui ?-
Linette ? Ma soeur ? Il s’arrête quelques secondes. Comme s’il hésitait à dire la suite.
Ton ancienne nourrice ?-
Mon ancienne nourrice ? Laquelle ? Il en a eu plusieurs, après tout.
-
Mais la première putain, Bo ! Celle qu’est morte en te sauvant la vie ??? Ça te rappelle rien cette histoire ? Ou juste tu t’en fous parce que c’était "juste une domestique de toute façon" ? Il s’énerve, s’assoit dans le lit et s’éloigne de lui. Il s’énerve et Bo comprend pas pourquoi.
-
Wow, wow rambobinne tu veux ? Il se relève à son tour.
C’était ta soeur ? Depuis quand ?-
Je sais pas ? Ma naissance ? Imbécile.”
Bo s’autorise un léger rire. Léandre le rejoint. La façon dont il le regarde après ce rire, cependant, ça lui brise le coeur. Il comprend pas leur conversation. Il a l’impression d’être dans un monde parallèle.
Bo lui demande de lui expliquer. De quoi il lui parle. Et pourquoi il lui a pas dit plus tôt qu’il était le frère de Linette. Il a l’impression qu’il s’est joué de lui.
Alors quand il lui explique qu’il lui a dit un an après leur rencontre, y’a deux ans de ça, et qu’il ne lui en a pas parlé depuis parce qu’il lui avait demandé du “temps” pour s’en “remettre”, Bo a du mal à comprendre. Il se souvient pas de cette conversation. Il a beau chercher dans son esprit, dans ses souvenirs, rien. Et pourtant, il a rangé précieusement la majorité des moments qu’il passe avec Léandre. Mais ça, ce moment pourtant si important… Rien.
alors Bo lui demande de lui rééxpliquer leur conversation. Et il lui rééxplique.
Et Bo pleure. Se lève du lit, et de colère, casse tout ce qui se trouve à porté. De frustration, injure et maudit ses parents et son grand-père. Quand Léandre le prend dans ses bras, il craque et pleure comme un enfant.
“ -
Écoute B.O, c’est bizarre cette histoire. Est-ce que t’as été parler à tes parents de notre discussion ?-
J’en sais rien, je me souviens déjà pas de notre discussion. De base.-
Ouais… Peut-être que tu devrais pas leur en parler cette fois ci.-
Excuse-moi…. Il se retire des bras de son ami, se recule de lui, les yeux froncés.
Je peux savoir ce que t’insinues ?-
J’insinue rien, c’est juste... Il s’arrête, manifestement trop lâche pour dire la suite de sa pensée
-
Non. Non, vas-y, vas-y, va au bout de ce que tu penses, Léandre. Quoi ? Tu penses que mes parents ont oubliétté notre discussion ? Si c’était le cas, je serais pas là, je serais à l’hôpital, probablement sous forme de légume incapable de faire autre chose que de baver. Alors dis moi, vas-y. Ose dire ce que t’as sur le coeur.-
Je dis juste que tes parents, ça les arrange bien que tu te souviennes pas de ce qu’il s’est vraiment passé. C’est tout.-
Va t’faire foutre, Léandre.”
Il récupère les vêtements qu’il a laissé par terre et sort, frustré par leur dispute, énervé contre ses insinuations, triste pour Linette et sa famille (et donc pour Léandre) et en en colère contre le monde entier, si cette injustice se révèle être ce qu’il s’est vraiment passé.
Sans parlé du sentiment étrange de flou, dans son esprit. D’incompréhension totale. De vide, là où le souvenir de cette discussion devrait être dans sa mémoire.
12 Septembre 1950
La main dans la poche, Bo se balade dans les couloirs de Beauxbâtons comme s’ils lui appartenaient. Si d’habitude, il est avec ses potes, cette fois il est seul. Il est en mode repérage, pas pavanage. Il essaye d’observer les élèves et les professeurs depuis la rentrée. Il essaye de voir ce qui a changé depuis l’année dernière, en deux mois. Il essaye d’observer leurs comportements, la façon qu’ils ont de se comporter les uns avec les autres. Ou les uns sans les autres en l’occurance par rapport à certaines histoires.
Les oreilles tendues et les pas doux, il suit une personne en particulier, Laura, une fille dans l’élément du feu. Elle a un peu tendance à faire des frasques un peu partout, et il veut savoir si elle en a fait de nouvelles pendant les vacances. Et si oui, avec qui. Pas que ça l’intéresse d’avoir des trucs contre Laura, elle est connue pour n’en avoir rien à faire de ce que l’on dit ou pense d’elle. Non, c’est plutôt les personnes avec qui elle a fait ces frasques qui l’intéressent.
Il espère qu’en la suivant, elle va le mener vers un des garçons, ou une des filles, avec qui elle aurait potentiellement passer l’été.
Été qu’il a passé, lui, à éviter ses parents. Il a décidé de pas leur parler encore de la discussion avec Léandre. Il se dit qu’il devrait, et il va probablement finir par le faire mais pour une raison qu’il ne comprend pas, il a peur de le faire.
Laura finit par se retourner et il se cacher rapidement dans une alcove. Alcove dans laquelle, il se rend compte, il n’est pas seul.
“ -
AH ! Putain tu m’as fait peur ! C’est une jeune fille avec lui. Elle est plutôt jolie.
Comment tu t’appelles ? Et qu’est-ce que tu fous là ?”
Il apprendra qu’elle s’appelle Louise Berry, et que, comme lui, elle suivait Laura pour voir si y’avait de nouveaux potins à apporter. Ils parleront pendant plusieurs dizaines de minutes après ça, perdant Laura des yeux et s’échangeant ragot contre ragot entre deux sourires charmeurs de la part de Bo et trois yeux levés aux cieux de la belle Louise.
31 octobre 1950
Il attend ses parents dans le salon de leur aile, réservé prioritairement à leur branche. Bien sûr, Papi Eugène a le droit de débarquer à tout moment, c’est après tout chez lui avant tout. Mais ça reste plus restreint que la salle de repas pour la famille entière. Il leur a dit qu’il devait leur parler, urgemment. Ils lui ont dit de les attendre tranquillemen et qu’ils arriveraient après avoir réglé quelques soucis.
Il est pas surpris, juste déçu, lorsqu’il les voit arriver avec Papi Eugène à leur suite. Il aurait dû se douter qu’il serait là aussi. Il a comme la mauvaise sensation qu’ils savent de quoi il veut leur parler. Et ça ne le met pas à l’aise.
Et s’il avait raison, Léandre. Peut-être qu’il ne devrait pas leur en parler. Mais s’il ne leur en parle jamais, alors comment résusirait-il à savoir la vérité ? Puis ils ne peuvent pas l’oublietter. C’est un fait. Ils ne prendraient pas ce risque. Ils n’ont pas de vrai moyen pour lui faire oublier une conversation. Alors… Alors il prend pas vraiment un risque en leur en parlant. C’est sûr.
“ -
Alors, Bohort, qu’entends-je, tu voulais nous parler ? Il ose pas répondre que non, il voulait juste parler à ses parents.
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Oui… Et bien. Après tout, puisqu’il est là… Bo lui répond, les yeux dans les siens. Il a l’air de vouloir prendre en main la discussion, alors c’est avec lui qu’il parlera.
J’ai entendu parler de choses étranges à l’école… Sur mon accident.”
Il ne loupe pas le visage de sa mère qui semble blanchir, ni les yeux de son père qui descende observer le tapis comme s’il s’agissait de la toute nouvelle tendance. Quelque chose… Il y a évidemment quelque chose à propos de cette histoire qu’il ne sait pas. Et dont ses parents ont, manifestement, honte.
“ -
Tiens donc ? Et qu’as-tu “entendu” ? Il a l’air si calme…
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Linette… C’était son nom, pas vrai ? À ma nourrice ? Je crois que je connais son frère, Léandre. Nous avons quelques classes en commun. Certainement pas prêt de dire à son grand père qu’il se le tape régulièrement et qu’il aime particulièrement ça. Non. Non, vraiment pas.
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Oui, je me souviens de lui. Il avait ton âge. Et alors ? Que t’as-t-il dit ? Il est trop calme, c’est perturbant. Surtout si ce que lui a dit Léandre est vrai.
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Il m’a dit que… Euh. Que c’était sa soeur. Et que… Les mots lui échappent. Les idées lui échappent. Il a beau chercher, le regard de son papi encré dans le sien, il ne trouve plus. Qu’est-ce qu’il s’est passé, ce jour là ?
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Bohort, tu vas bien ?-
Fatigué… Je sais pas trop. Je me sens… Je sais pas.”
Il baisse les yeux, finalement.
Dans le salon, sa mère sourit, son père sourit avec elle lorsqu’il relève les yeux vers eux.
“ -
Donc, que voulais-tu nous dire sur Léandre ?-
Juste que… Je suis surpris. Que sa soeur ait fait un truc pareil… Après tout, il est génial. C’est vraiment un bon gars. Et un bon coup.-
Oui et bien, heureusement. Sa famille pourra se rassurer. Au moins un de leurs enfants ne sera pas complètement inutile.”
Bo sourit, un peu gêné de la remarque et les laisse tous les trois dans le salon avant de s’en retourner dans sa chambre. Il est fatigué.
Si fatigué.
interlude : un an et demi
Le temps passe moins, mais toujours.
Il n’a toujours pas de nouvelles de Georges, ni de Suzanne. D’après ce qu’il a réussit à récolter de ses parents, ils sont probablement décédés, mais Bo n’y croit pas. N’a pas envie d’y croire.
Bo continue de récolter des secrets, des ragots, continue à les partager et les échanger avec Louise.
Louise semble être de plus en plus jolie, à chaque fois qu’ils se voient.
Il continue de draguer, à droite à gauche, des gens insignifiants, puis parfois plus importants.
Il passe une nouvelle nuit avec Léandre, qui se finit en dispute. Quelque chose à propos d’une Linette qu’il ferait exprès d’oublier. Une histoire qu’il lui conte, qu’il semble fatigué de dire, à croire qu’il l’a déjà répété plusieurs fois. Une histoire qui fait pleurer Bo par son injustice et sa cruauté. Qui lui fait détester ses cicatrices, lui qui les trouvent plutôt cool.
Entre deux transformations en renard roux, il retourne chez lui.
En ressort sans aucun souvenir d’une quelconque Linette.
Mais avec un nouveau rendez-vous arrangé avec Sohalia, belle mais inaccessible Sohalia. Il espère qu’un jour, Lys lui fera assez confiance pour lui parler d’elle.
Puis Léandre, qui lorsqu’il lui parle d’une Linette inconnue, lui met une claque, tourne les talons et repart.
Les pleurs qu’il entend lorsqu’il part lui brisent le coeur.
Quelque chose s’est définitivement casser entre eux mais ça le tue de pas comprendre quand, ni pourquoi.
Et Louise, toujours là pour les nouveaux ragots, qui le fait sourire, malgré tout.
23 Mai 1953
Bo marche avec assurance vers le bar où ils ont rendez-vous avec Louise et quelques autres élèves de l’école. Les soirées du Week End sont les meilleures, surtout lorsque des fêtes un peu sous le chapeau sont organisées à naille-haute. Un secret de polichinelle, vraiment. Bo n’a aucun doute sur le fait que pas mal de professeurs sont au courant de ce qu’il se passe et qu’ils savent aussi que rien de bien grave ne peut réellement arriver lors de ces soirées.
Alors qu’il entre dans le bar, il sent l’air chaud sur son visage. Pas qu’il fasse particulièrement frais dehors, mais ça fait du bien quand même.
Son regard se pose rapidement sur Laura, qui sans surprise est déjà là avec une sucette entre les lèvres et une jeune fille qu’il ne reconnaît pas sur les genoux.
Il voit aussi Louise, assise pas loin d'Eliaz, en train de discuter. Bo les observe quelques secondes. Eliaz est un gars cool, il l’adore. Mais il peut pas s’empêcher de pas comprendre les raisons de Louise pour aller lui parler. C’est pas comme si c’était le conversationnaliste le plus intéressant du groupe présent.
Quelqu’un propose un jeu à base de véritaserum modifié pour être légale et moins forte, et d’actions au cas où quelqu’un refuserait de se dévêtir d’un secret.
Bo aime écouter le jeu. Beaucoup moins y participer.
Lorsque quelqu’un lui demande s’il préfère boire la potion et parler de sentiments ou faire une action, il ne prend pas le risque que le nom de Léandre se perde.
Il ne s’attendait pas à l’action.
Ne le sait pas encore, mais ne regrettera pas son choix.
à suivre…