Les rayons du soleil jouaient à travers les feuilles des arbres, zébrant le sol pavé d'ombres dansantes. L'atmosphère était imprégnée de cette tranquillité typique de Naille-Haute, et Kamala avait décidé d'y faire un tour. La rentrée avait été chargée émotionnellement, et elle ne disait pas non à un peu de répit ; aussi, elle avait profité d'un creux dans son emploi du temps pour aller se dégourdir les jambes. Haruo avait proposé de l'accompagner, mais pour une fois, elle avait dû refuser afin de ne pas alimenter la rumeur toute fraîche les concernant. Rumeur née le jour même de la rentrée - soit deux jours plus tôt - et qui, elle l'espérait, ne remonterait pas aux oreilles de ses parents.

Tout en marchant d'un pas las, Kamala se remémorait l'expression peinée de son meilleur ami. Il avait été là pour elle tout l'été, et elle l'avait remercié en refusant sa compagnie pour une histoire idiote. Un soupir s'échappa de ses lèvres. Il faudrait qu'elle aille s'excuser plus tard dans la soirée.

L'esprit de Kamala était encombré de toute sorte de choses : l'état de santé de son grand-père, les rumeurs de ses fiançailles avec Haruo, les... vraies fiançailles d'Amaury, et Prysha qui agissait bizarrement depuis qu'elle passait du temps avec ce garçon. À cette pensée, Kamala fronça les sourcils, puis son regard se détendit alors qu'elle aperçut au loin une silhouette familière. Les cheveux sombres et la posture d'Isabelle étaient inimitables. Kamala sentit un sourire chaleureux se dessiner au coin de ses lippes, et s'approcha doucement d'elle. Au moins, passer du temps avec une amie lui permettrait de décongestionner son esprit de toutes les choses qui la tourmentaient.

Une fois suffisamment proche pour être à portée de voix, mais pas trop près pour perturber sa concentration, Kamala attendit un moment opportun, puis dit doucement : « Tu as vraiment du talent, Isabelle. » Son regard était évidemment porté sur le carnet de croquis de sa cadette, qui avait fidèlement reproduit les façades des commerces du Serpent Cornu. Si ces dernières avaient déjà un charme certain, Isabelle avait su leur transmettre une émotion particulière, celle d'un souvenir ancré dans le présent.

Telle une photographie enchantée, l'architecture de la Place était désormais immortalisée. À moins, bien sûr, que la jeune Archambeau décide de brûler son carnet, en témoigne l'état de sa robe. « Oh, mais ? Qu'est-ce qui est arrivé à ta robe ? Tu vas bien ? » Est-ce que tous les élèves de cette école sont des pyromanes ? Ça expliquerait pas mal de choses. « Je l'aurais bien recousue, mais elle m'a tout l'air fichue... Viens, on va aller t'en trouver une nouvelle, tu ne peux pas rester comme ça ! » lança-t-elle en tendant la main vers Isabelle comme une mère le ferait avec son enfant. Après tout, c'était l'occasion parfaite d'apporter un peu de couleur dans la funèbre garde-robe d'Isabelle.

( Pando )

Kamala écouta avec une expression préoccupée l'explication d'Isabelle concernant les brûlures de sa robe. « Une bougie ? Mais comment as-tu fait pour ne pas la voir ? » Elle recula d'un pas, scrutant le corps d'Isabelle à la recherche de signes de blessure. L'inquiétude se lisait sur son visage, accentuée par une pensée parasite : « Tu es sûre que personne ne t'a lancé de mauvais sort ? » Elle songea un instant à la singularité de la jeune fille, ainsi qu'à la cruauté dont pouvaient faire preuves certains élèves de l'école dès que quelqu'un ne rentrait pas dans le moule, et jeta discrètement un regard aux environs afin de s'assurer qu'un éventuel coupable ne soit pas revenu sur les lieux du crime pour ricaner.

Mais personne ne sembla leur prêter attention, heureusement pour eux.

Les yeux de l'Indienne se posèrent sur la main d'Isabelle, un instant dissimulée, l'air presque coupable. Lorsque celle-ci fut tendue vers elle, Kamala la saisit délicatement. Elle la releva doucement, ses prunelles se concentrant dessus. « Tu t'es brûlée ! » déclara-t-elle d'un ton mêlé de réprimande, à la fois pour le silence d'Isabelle sur la douleur endurée et pour l'absence d'une tentative de soulagement. Une idée lui traversa l'esprit. « Attends, j'ai quelque chose qui pourrait apaiser la douleur dans ma besace. Je prévois toujours des remèdes. On devrait les essayer avant de partir faire les boutiques, tu ne peux pas rester comme ça. »

S'installant sur le banc où Isabelle était assise quelques instants plus tôt, Kamala fouilla dans sa besace, dévoilant une petite trousse contenant divers onguents et baumes. « Tiens, essaye ça. C'est une recette de ma grand-mère que j'ai concocté à l'aide des plantes de Prysha. Ça devrait atténuer la sensation de brûlure. » Kamala fixa avec empathie le visage d'Isabelle, espérant que cette petite touche maternelle pourrait soulager au moins partiellement sa douleur. Les ruelles de Naille-Haute s'étendaient devant elles, mais pour l'instant, l'urgence était d'apaiser la brûlure et de prendre soin d'Isabelle.

Et si...?:

( Pando )